Il paraît que la Ligue nationale donne des cours aux joueurs, chaque année, pour leur éviter la fréquentation de mauvais compagnons.

D'après moi, ils ne leur donnent pas les bons trucs pour les détecter.De nos jours, les mauvais compagnons ont rarement des têtes de mort tatouées dans le front. On ne les rencontre plus guère dans un repaire avec écrit à l'entrée : repaire de mauvais compagnons. C'est dépassé.

Il y a tout de même des signes extérieurs. Les mauvais compagnons ont souvent des autos un peu trop rouges, avec des vitres un peu trop teintées, des chaînes un peu trop en or, des habits un peu trop importés d'un peu trop gros noms de la mode.

Ils sortent avec des filles beaucoup trop. Ils adorent les filles trop. Ils se tiennent trop sur le boulevard Saint-Laurent dans des endroits avec trop de «valets parking» et laissent trop de pourboire.

Faut vraiment être nono pour ne pas les reconnaître.

En même temps, le mafieux moyen, quand il n'est pas en train de gagner sa vie, a les mêmes aspirations que le commun des nouveaux riches et des bourgeois.

Il veut avoir une trop grosse maison dans un beau quartier. Mener grand train. Boire des choses trop rares. Avoir des billets dans les rouges au Centre Bell. Avoir comme amis des joueurs de hockey. S'arranger pour que ça se sache.

Je vois très bien dans le genre de relations entre Mangiola et les frères K ce genre d'amitié de party à gros budget, où le fan est trop content de faire les quatre volontés de ses amis joueurs de hockey - et plus. Juste en échange de l'incroyable frisson de fréquenter des joueurs du Canadien.

On peut soupçonner tout ce qu'on voudra. On peut penser aux paris sportifs et aux informations que le crime organisé pourrait vouloir obtenir. On peut penser au chantage et à mille autres périls qui font que la LNH et les mères ont raison de répéter sans arrêt aux joueurs de se tenir loin des mauvais compagnons.

Pour moi, ça ressemble surtout à l'histoire d'un type qui s'est payé deux amis-trophées et qui les entretient. Et eux, gagas, foncent dans cette fête trop bien organisée.

Est-ce un crime? Non, mais c'est assez nul tout de même.

* * *

J'en entends déjà qui crient « vie privée »! Quand on fait la fête en public avec des gens du milieu criminel, on renonce à cette partie-là de sa vie privée. Des gens dont, même en ne connaissant pas le détail de leurs activités, on devrait se douter qu'ils sont de mauvais compagnons.

Un joueur de hockey a beau ne pas être un ministre, c'est tout de même quelqu'un qui a une responsabilité qui dépasse sa petite personne pendant qu'elle se déplace sur la patinoire.

On nous serine sans arrêt que le Canadien, «ça fait partie de l'histoire» et de la société, et le reste (ce qui est vrai). Cela veut dire que ceux qui le représentent ont plus de responsabilités que le commun des mortels en dehors des heures de bureau.

J'en entends d'autres : ils sont jeunes et fous, laissez-les tranquilles, qu'ils vivent leur jeunesse!

Il ne s'agit pourtant pas de prendre trop de bière à l'Hôtel Central un vendredi soir. Il s'agit de liens d'amitié avec le milieu criminel, avec tout ce que ça comporte de risques de glissements, de tentations et d'atteintes à l'image du Canadien.

Des centaines de milliers d'enfants vous regardent, messieurs, et c'est une des raisons pour lesquelles vous gagnez des salaires aussi ridiculement élevés. Ça appelle un minimum de dignité hors glace. Trop dur? Trop jeunes?

C'est drôle, moi, les jeunes hommes de 21 ans que je connais savent généralement d'instinct faire la différence entre un party et un piège à cons. Et je ne parle pas de ceux qui sont dans un blindé à l'autre bout du monde ce matin, ou d'autres qui grimperont dans une échelle pour sauver quelqu'un d'un incendie. Je parle des jeunes en général qui n'ont pas besoin d'un cours de la Ligue nationale ou d'un voyage à Hamilton pour comprendre ça.