L'affaire Jean-Guy Chaput, qui n'en est pas vraiment une, soulève deux questions au-delà de la gestion des fonds publics.

La première est le rôle même du vérificateur général. La seconde est la tentation de régler des comptes politiques sous couvert de défendre l'éthique.

 

Commençons par la première. Pour un homme qui regarde à la dépense de tout un chacun, M. Renaud Lachance est assez prodigue de ses commentaires.

Le vérificateur général du Québec, s'il veut conserver la crédibilité de sa précieuse institution, devrait réapprendre le sens du devoir de réserve.

Or, le décalage entre les déclarations de M. Lachance et le contenu de son rapport est agaçant.

Il n'a pas, en conférence de presse, à qualifier de «somptueux» le train de vie du président de la SODEC.

Pour commencer, parce que c'est une faute de français. Ce qui est somptueux est magnifique - comme une chambre avec vue sur la baie de Cannes. Mais ce qui est somptueux n'est pas nécessairement «somptuaire», c'est-à-dire extravagant, exagérément luxueux.

Cette faute de français recouvre à elle seule toute la confusion des genres que pratique un vérificateur général qui sort de la comptabilité pour entrer dans l'opportunité politique.

Entendons-nous bien: il se peut qu'une chambre à 1300$ soit un gaspillage de fonds publics. Mais il se peut aussi que le choix soit défendable pour des raisons d'affaires, notamment parce qu'il a ainsi accès à des gens du milieu et parce qu'il y fait des réunions. Ça, je ne le sais pas, mais le vérificateur non plus.

Le vérificateur devrait donc se contenter de constater la conformité des dépenses avec les normes gouvernementales, observer leur évolution et exposer les faits comptables. Ce qu'il fait dans son rapport. Pas aller chez André Arthur et faire des commentaires avec un sourire en coin.

Ce sera ensuite aux gens de la SODEC, à son conseil d'administration et au gouvernement d'analyser la situation et de juger si on dépasse les bornes.

Au lieu de cela, on a vu la ministre Christine St-Pierre sauter sur l'occasion pour dire que M. Chaput n'avait plus sa confiance. Même le premier ministre lui a montré la porte, disant qu'il voyait mal comment il pouvait terminer son mandat, qui s'achève pourtant en octobre. Le tout pendant que M. Chaput est à Cannes et avant même que le CA de la SODEC ne se réunisse.

Audi alteram partem, dirait Bernard Landry: écoutons avant de décider, entendons donc Chaput avant de lui trancher le cou.

Cette précipitation sent le règlement de comptes à plein nez. Certes, le chapitre du rapport du vérificateur général laisse voir une légèreté certaine en ce qui concerne la gestion des fonds à la SODEC. Il y a lieu de critiquer plusieurs aspects: repas sans pièces justificatives, repas entre employés de l'organisme.

Mais y a-t-il eu fraude? Malversation? Enquête policière? Pas le moins du monde.

Je ne sais pas qui est Jean-Guy Chaput, je n'ai aucune idée de ses qualités, défauts, compétences, sports, loisirs, chasse et pêche.

Mais autant je n'aime pas les profiteurs de fonds publics, autant j'ai en horreur les mises à mort professionnelles sans procès, en l'absence du principal intéressé et alors qu'aucune urgence ne le justifie, sinon l'opportunisme politique.

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