Claude F. Archambault est un avocat en sursis. Quand on est coupable de 111 manquements à la déontologie, ça commence à sentir la radiation.

On pourrait dire qu'il a appliqué à la profession d'avocat les techniques du star système: présence média soutenue, association à des vedettes, publicité-choc. Aucun avocat québécois n'a poussé la logique de l'autopromotion plus loin que Claude F. Archambault.

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Les 26 clients dont la plainte vient d'être retenue par le conseil de discipline du Barreau ont vécu la même aventure.

 

Archambault les recevait avec une des jeunes avocates qui lui servaient de cerveau juridique, selon le type de dossier. Criminel? Civil? Matrimonial? Immobilier? Pas de problème, Claude F. est là.

Me Archambault facturait au forfait, selon la complexité de la cause. Si le client voulait retenir ses services personnellement, le forfait était évidemment plus cher. Disons du simple au double. Jusqu'ici, rien de méchant.

Le hic, c'est que les règles du barreau sont strictes: les avances payées par les clients n'appartiennent pas à l'avocat tant qu'il n'a pas fait le travail et facturé en conséquence.

Me Archambault préférait travailler à l'ancienne, invoquant la tradition des criminalistes de l'ancien temps: de l'argent comptant, pas de dépôt dans le compte en fidéicommis et des forfaits ajustables.

Souvent, il promettait de s'occuper du dossier et n'y touchait pas. Les clients se plaignaient, claquaient la porte... et se faisaient envoyer une facture, en plus de leur forfait déjà payé.

En tout, entre 2002 et 2006, pas moins de 26 clients se sont plaints. À peu près tous pour la même raison: mauvais travail et surfacturation.

Il a été déclaré coupable de ne pas avoir déposé les sommes dans le compte en fiducie et de se les être appropriées.

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Question: comment se fait-il qu'il ait fallu autant de gens et autant de temps pour que le Barreau agisse contre Archambault?

Archambault explique que son système était toléré par l'ancienne syndique, Louise Comeau. Elle n'a pas témoigné et le conseil n'accorde pas de crédibilité à Archambault là-dessus. Mais il n'en reste pas moins que l'avocat de 44 ans d'expérience avait été averti quelques fois, dès les années 90, pour le même genre de manquements, sans jamais être inquiété.

Me Archambault a donc pu continuer de trouver de nouveaux clients à la pelle, le public n'étant évidemment pas au courant des drôles de choses qui se passaient dans son bureau.

Il y a décidément des coups de pied au derrière qui se sont perdus dans les classeurs du Barreau.

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On aura deviné que je ne suis pas un grand admirateur de Claude F. Archambault. C'est réciproque, d'ailleurs. La dernière fois qu'il s'est adressé à moi, c'était par une mise en demeure où il menaçait de me poursuivre.

Tout ça remonte à loin. Je commençais à peine à couvrir les activités du palais de justice, en 1988, quand Claude F. Archambault a comparu comme accusé devant la cour criminelle, menottes aux poignets.

Il était accusé d'avoir incité un témoin à se parjurer dans une grosse affaire d'héroïne. Les policiers de la GRC étaient particulièrement contents, comme le sont souvent les policiers quand ils épinglent un criminaliste dont la tête ne leur revient pas.

D'abord condamné à 18 mois de prison, Archambault s'en est tiré quand la Cour d'appel a jugé illégal l'enregistrement de sa conversation avec le témoin. En outre, Archambault avait des propos équivoques et ne disait pas franchement au témoin de mentir.

Non seulement s'en est-il sorti, mais il s'est refait une image, jusqu'à être commentateur régulier des affaires judiciaires dans les médias. On l'a vu de temps en temps aux côtés de clients célèbres, Michèle Richard entre autres, j'allais dire évidemment.

Il a disparu de l'écran quand il a commencé à avoir des ennuis financiers. Il a fait sa dernière apparition à Tout le monde en parle, l'hiver dernier. Il venait pourtant de dire au conseil de discipline que son état de santé ne lui permettait pas d'assister aux audiences. Triste spectacle d'un homme traqué tentant de sauver les apparences.

Il avait décidé depuis longtemps que ce ne serait pas avec la médaille du barreau ou des ouvrages de doctrine qu'il se ferait une clientèle, mais en se construisant une notoriété médiatique, la plus immense qui soit.

Je me souviens encore d'entendre des gens dire: c'est le meilleur avocat au Québec! Après tout, n'avait-il pas fait acquitter les soeurs Lévesque de trafic d'héroïne en Italie?

Il s'était surtout fait photographier en leur compagnie à leur retour d'Italie. Ne parlant pas italien et n'ayant pas le droit d'exercer à Rome, disons que sa participation à leur acquittement n'était pas très substantielle. Mais quelle photo! Quel coup de pub!

Et qu'apprend-on? En 2002, il a tenté d'utiliser l'influence d'un client, le sénateur libéral (indépendant depuis qu'il est accusé de fraude) Raymond Lavigne, pour... devenir juge.

Thémis ne l'a pas laissé passer, celle-là. Faut dire qu'elle a les yeux bandés et a donc malheureusement manqué plusieurs apparitions télévisuelles de Claude F. Archambault.