La nouvelle est drôlement sortie. On a infligé à Roger Walsh la peine la plus sévère jamais donnée pour un cas d'ivresse au volant causant la mort: l'emprisonnement à vie.

Mais comme la poursuite réclamait que l'homme soit déclaré délinquant dangereux, cette peine extraordinaire est aussitôt apparue comme presque clémente.

Il est vrai que Walsh, 57 ans, est irrécupérable. Il en était à sa 18e condamnation pour conduite avec des facultés affaiblies depuis 1971. Il conduisait sans permis, d'ailleurs, ce soir fatal de 2008, quand il a tué Anee Khudaverdian, aux Cèdres, en banlieue de Montréal.

Si quelqu'un mérite la peine maximale, c'est bien Roger Walsh. Mais délinquant dangereux?

Les délinquants dangereux ne sont pas condamnés à une peine précise. Ils sont envoyés en détention pour une période indéterminée, sans aucun horizon de libération conditionnelle. Le cas du délinquant est revu périodiquement par un comité qui décide ou non de sa libération. Règle générale, cela veut dire qu'il est en prison pour le reste de ses jours.

Le juge Michel Mercier, de la Cour du Québec, en vient à la conclusion que cet article n'est pas destiné aux cas, même extrêmes, de conduite avec des facultés affaiblies causant la mort.

Clairement, les crimes visés sont des agressions sexuelles, des voies de fait graves, des tentatives de meurtre ayant un caractère extrême. Extrême et bien spécial. Il faut que les gestes soient d'une nature «si brutale», ou répétés, ou qu'ils manifestent une indifférence totale pour la vie des autres.

Donc, des circonstances tellement particulières qu'on est presque convaincu que si cette personne est libérée un jour, elle mettra la vie de quelqu'un en danger presque assurément.

L'analyse du juge Mercier est très sommaire, mais il a bien raison de le conclure: cette

exception n'a pas été prévue pour les délinquants de la route.

Le juge cite d'ailleurs l'actuel ministre de la Justice fédéral, Rob Nicholson, dans des débats à la Chambre des communes en 2008, pour montrer qu'il a décidé de ne pas inclure tous les crimes imaginables dans cette exception.

Bien sûr, on peut faire entrer Walsh dans la catégorie de ceux qui ne se soucient pas de la vie des autres.

Mais la catégorie de délinquant dangereux est une exception totalement exorbitante, il faut bien le voir. Toute personne condamnée pour un crime doit connaître sa peine et la date de sa possible libération conditionnelle.

C'est tellement exceptionnel que le Québec n'utilise cette disposition que depuis 1996, alors que la catégorie a été créée en 1977 (le reste du Canada l'a utilisée beaucoup plus et plus vite). On en compte environ 400 dans tout le Canada. Et aucun d'entre eux n'est un criminel de la route.

Dans le doute, un juge doit interpréter les lois criminelles en faveur de l'accusé. Il n'a pas le droit de récrire le texte de loi pour rendre un jugement populaire et, comme il le dit, si Ottawa veut inclure les Roger Walsh dans cette catégorie, il n'a qu'à le faire.

On pourrait ajouter, au fait, que dans un cas comme Walsh, il est loin d'être certain qu'il serait demeuré plus longtemps détenu en étant déclaré délinquant dangereux. Son cas aurait été revu après trois ans, puis aux deux ans. Comme il a un grave problème d'alcoolisme, il n'est pas impensable qu'il se soigne d'ici quelques années, suffisamment du moins pour passer le test de ces comités de révision, qui le trouveraient à coup sûr moins effrayant que les violeurs en série.

Condamné à perpétuité (une première, au fait), il n'est pas admissible à une libération avant sept ans.

C'est une peine extrêmement sévère, amplement méritée et correcte dans les circonstances.