Au cas où ça vous aurait échappé, Micheline Parizeau, l'avocate qui fut un temps la plus détestée en ville est de retour à Montréal. Enfin, elle tente un retour, mais le Barreau ne veut rien savoir.

Même si sa radiation est terminée depuis quatre ans, le Barreau s'oppose farouchement à sa réinscription. Au point qu'on a l'impression que l'ordre des avocats veut lui infliger une radiation à vie par la porte d'en arrière.

Je peux me vanter d'avoir écrit le plus grand nombre d'articles sur cette professionnelle du divorce en forme de guérilla. Mais malgré tout le mal que je pense de son style et de ses actions passées, qui ont empoisonné nombre de vies et ruiné plusieurs personnes, il n'en demeure pas moins qu'elle a été radiée pour cinq ans. Pas 25. Que veut dire le nombre d'années de la sanction s'il peut être étiré arbitrairement?

* * *

On n'en verra pas beaucoup déchirer leur toge chez les avocats, vu qu'ils ont été nombreux à chuchoter «bon débarras», quand elle a finalement été bannie.

Le Barreau, lui, a une sorte de mauvaise conscience à purger dans cette histoire, vu la superbe complaisance avec laquelle on l'a laissée faire la pluie et le beau temps (mais surtout la pluie) en chambre familiale. Multiplication des procédures, gonflement des factures d'honoraires, et ce talent sans pareil pour envenimer les conflits familiaux et en tirer profit.

Il a fallu qu'une demi-douzaine de juges la dénoncent dans des jugements pour que le Barreau se secoue, en 1993.

* * *

Entre 1994 et 2000, Micheline Parizeau a fait face à une pluie d'accusations déontologiques, à laquelle elle a répliqué par toutes sortes de requêtes, y compris une poursuite contre le Barreau.

Finalement, en 2000, le conseil de discipline du Barreau l'a radiée pour sept ans, radiation réduite à cinq ans en appel.

Comme elle était aussi membre du barreau de l'Alberta, elle y a déménagé pour travailler pendant cinq ans. On peut se demander comment une avocate peut être un danger public au Québec et digne de la profession en Alberta, mais c'est une autre histoire.

Toujours est-il qu'en 2005, elle revient au Québec et demande sa réinscription. Il est normal qu'après une radiation, un ordre professionnel vérifie si son membre est apte à exercer la profession. On teste sa compétence, sa conduite et ses «bonnes moeurs».

* * *

Micheline Parizeau est indéniablement compétente en droit. Elle a suivi des cours de mise à jour et a été supervisée par un juge à la retraite, qui a témoigné en sa faveur. En plus, son avocat, Alan Stein, plaideur de longue expérience et respecté, offre d'être son tuteur.

C'est sa conduite qui soulève des doutes. Elle a tenté de convaincre le comité qu'elle avait changé et qu'elle regrettait ses erreurs passées. Elle a admis avoir «manqué de distance» dans certaines affaires. Bref, elle a fait une sorte de mea culpa. Elle a fait entendre plusieurs témoins, dont son conjoint, qui ont tous dit qu'elle avait «compris» et réfléchi à ses erreurs.

De son côté, la syndique du Barreau n'a fait entendre aucun témoin mais a contre-interrogé l'ex-avocate pendant deux jours et demi.

Le but de l'opération était en réalité de revisiter les vieux péchés de l'avocate. Trop de circonvolutions et de justifications dans ses explications, a tranché le comité du Barreau: réinscription rejetée. On lui reproche de n'avoir pas tiré les leçons du passé.

En appel, en 2008, le Tribunal des professions a cassé cette décision sans ménagement. Sous prétexte de voir si elle a changé, en vérité, on lui a fait subir un nouveau conseil de discipline. On lui reproche de mauvaises explications pour des dossiers remontant à 15 ans et pour lesquels on ne l'a jamais accusée.

Bref, on n'a pas joué franc-jeu, opinait le Tribunal des professions, qui a accordé sa réinscription à Micheline Parizeau en décembre 2008. Elle a donc recommencé à exercer.

Mais le Barreau ne l'entendait pas ainsi. Voici l'affaire en Cour supérieure, où, le 10 novembre, le juge Jean-François de Grandpré a annulé cette décision et rétabli celle du comité. Exit l'avocate des riches et célèbres, au moment où on la revoyait au palais de justice dans des affaires à gros budget.

Ce comité du Barreau, opine le juge de Grandpré, avait bien le droit d'évaluer le témoignage de l'avocate comme il l'a fait. Pour lui, on n'a tendu aucun piège et il n'y a aucun problème de franc-jeu dans cette décision parfaitement «raisonnable».

Nul doute que l'affaire se transportera devant la Cour d'appel.

* * *

Il me semble qu'il faut des faits nouveaux et de nouveaux motifs sérieux pour refuser une réinscription à quelqu'un dont la compétence n'est pas mise en doute. Un réexamen de faits déjà connus avec obligation de contrition totale et «sincère» est un test bien subjectif que tous peuvent échouer.

Bien entendu qu'elle n'a pas changé de personnalité. On ne se refait pas à 66 ans. Mais elle a été jugée et sanctionnée. Si elle a commis d'autres accrocs à la déontologie dans le genre de ceux qui lui ont valu sa radiation (comme d'inciter une femme à exagérer son train de vie pour obtenir une plus grosse pension), qu'on l'accuse à nouveau.

La réinscription ne devrait pas être l'occasion pour un ordre professionnel de récrire une sanction sans autre forme de procès.