Brian Mulroney avait réclamé une commission d'enquête sur lui-même, il y a deux ans.

Pas chanceux, il l'a obtenue.

Hier, les élus de la Ville de Montréal, son maire Gérald Tremblay en tête, ont réclamé officiellement à l'unanimité au gouvernement du Québec une commission d'enquête publique «pour faire toute la lumière sur les allégations de corruption et de malversation dans l'industrie de la construction et particulièrement sur l'aspect de la collusion dans le processus d'octroi des contrats».

Allez donc dire non à quelqu'un qui vous supplie d'enquêter sur lui!

 

Ça friserait la cruauté mentale.

À moins qu'il y ait quelques bluffeurs au conseil municipal, bien entendu. Quelques fins renards convaincus qu'il n'y en aura pas, alors pourquoi ne pas en réclamer une?

Et puis, tout le monde et sa soeur veut une enquête. Ça paraîtrait mal dans le temps des Fêtes, quand le conseiller rencontre la parenté.

Tu veux pas d'enquête?

Oh que oui, j'en veux une, d'enquête, et grosse et joufflue et avec plein de commissaires et de sous-questions et de conclusions hâtives à part ça! La preuve, j'en ai demandé une, c'est Jean Charest qui refuse, le pas fin.

Vous les voyez donc tous dans les centres commerciaux devant le barbu habillé en rouge.

Allez, père Noël, donne-moi une enquête pour Noël!

T'es sûr que t'as pas été tannant un peu, mon p'tit Gérald, hum?

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Comme il a changé, le maire Tremblay. Repenti! Au lendemain du rapport du vérificateur général sur les compteurs d'eau, en septembre, il s'était presque réjoui. Selon sa lecture, le vérificateur Jacques Bergeron, après «des mois de vérifications», n'avait «trouvé nulle part» une «quelconque malversation».

Pourquoi diable une enquête? La résolution passe la gratte assez largement, il faut le dire.

L'ex-collègue de The Gazette Alex Norris, qui sera un redoutable conseiller municipal j'en suis certain, a été beaucoup plus pointu: «J'espère que la commission fera enquête sur les liens incestueux entre des promoteurs, des entrepreneurs et des partis municipaux. On sait que l'ancien bras droit du maire et l'ancien bras droit de la chef de l'opposition officielle ont eu des relations très troublantes avec des entrepreneurs. Il y avait des conflits d'intérêts très graves.»

Il me semble qu'il a mis le doigt très précisément sur un sujet d'enquête, mais de toute évidence, les élus n'ont pas tous lu la résolution de la même manière.

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Pendant ce temps, le vérificateur Jacques Bergeron a déposé un supplément de cinq pages à son rapport sur les compteurs d'eau. Mine de rien, il nous explique comment les élus du conseil municipal se sont fait rouler dans la farine.

Il était prévu qu'un «avis indépendant» soit émis par la Ville sur le processus de qualification des firmes intéressées au contrat du chantier de l'eau à Montréal. Cet avis devait indiquer si tout s'était déroulé de manière «équitable et transparente». On avait prévu également que le vérificateur interne de la ville fournisse un «avis indépendant additionnel quant au déroulement du processus de sélection des candidats». Tout ça avant de donner le contrat.

Le vérificateur interne relève directement du directeur général de la Ville. À ne pas confondre avec le vérificateur général, qui travaille de manière autonome.

Eh bien ! ce vérificateur interne, qui s'appelait à l'époque Denis Savard, n'a jamais fait cette évaluation indépendante. Il semble qu'on ne la lui ait jamais demandée.

Détail, direz-vous. Mais tiens donc, c'est ce même M. Savard qui avait commandé peu de temps avant une étude à PricewaterhouseCoopers sur les appels d'offres et l'attribution des contrats de voirie, d'aqueduc et d'égouts à Montréal. Or, ce rapport concluait que «la Ville opère dans un environnement qui n'est pas pleinement concurrentiel» et qu'il n'y a pas de «moyens de prévention et de détection de collusion, fraude, conflit d'intérêts et autre acte illégal» et donc que la Ville n'en a pas pour son argent.

On comprendra que ce M. Savard n'allait pas être complaisant. Est-ce précisément pour cela qu'on ne lui a pas demandé son avis? Toujours est-il que non seulement on l'a contourné, mais on n'a pas informé les élus qu'il fallait lui demander son avis. La direction générale a même transmis une fausse information aux élus en faisant croire que le vérificateur interne avait supervisé le processus de qualification. Le conseil municipal a donc été induit en erreur ou carrément trompé.

Ce vérificateur interne qu'on a contourné, M. Savard, vient d'être recruté par le vérificateur général pour faire partie de son équipe. Ça nous fait comprendre qu'on lui accorde crédibilité, indépendance d'esprit et intégrité.

Ça nous fait comprendre aussi que certains aimaient probablement mieux ne pas l'avoir dans les pattes.

Qui donc se serait arrangé pour le contourner? La SQ a son idée là-dessus, apparemment.

Nous autres, eh bien, on attendra de voir ce qu'il y a sous le sapin.