Ce qu'il y a de bien avec les scandales sexuels, c'est qu'ils sont l'occasion de faire de l'éducation populaire.

Quand Bill Clinton a eu des ennuis, on a appris qu'une fellation est bel et bien une relation sexuelle.

Ah ben torrieu. Tu parles d'une affaire !

Avec Tiger Woods, c'est encore mieux parce qu'il n'y a aucune conséquence politique. On peut donc se concentrer sur l'essentiel : le sexe.

L'autre soir, à la télé, il y avait deux sexologues pour nous aider à explorer les recoins sombres de la sexualité masculine, tellement débridée.

Débridée, débridée, n'exagérons rien. Comparée à la sexualité des punaises de lit, celle de l'homme est d'un ennui ! J'ai entendu ça l'autre soir à l'émission de Jacques Languirand, en roulant vers un aréna.

D'abord, sachez que les punaises de lit mâles copulent jusqu'à 200 fois par jour. Mais même à 150-155, ça force l'admiration. Comme elles n'y voient pas très bien, elles enfoncent leur pénis-canon (elles sont équipées magistralement) à l'aveuglette, indifféremment dans le sexe, le dos ou l'omoplate du partenaire, mâle ou femelle, qu'importe. Quand c'est l'heure, c'est l'heure, à peine ont-elles crié «chérie sois mienne», elles passent au suivant. Il leur arrive même régulièrement de faire ça avec un insecte d'une autre espèce ! Et Languirand ajoute, avant d'éclater de rire : «Tiens, je me ferais bien une mouche, ce soir.»

Je me demande ce que je ferais sans Languirand les samedis soir pas de hockey en roulant vers l'aréna. Qui d'autre pour nous entretenir de Dieu, de l'incertitude, d'Einstein et de la sexualité des punaises de lit?

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Il y avait donc l'autre soir ces deux sexologues à la télé. J'aime beaucoup les sexologues. Ils replacent le sexe dans son contexte et le ramènent, pour ainsi dire, à de plus justes proportions.

Ils ont chez moi un effet inhibant, sexuellement parlant. Tout est tellement sexuel, de nos jours! Et pas seulement le golf. Ça fait du bien d'avoir une petite pause, question stimulation. Non, mais sans blague, y a-t-il quelque chose de plus débandant que le discours des sexologues, surtout quand ils parlent de sexe?

Toujours est-il qu'une sexologue nous a expliqué que, dans le cas de Tiger Woods, on parle d'une sexualité extrêmement superficielle. Oui madame. Superficielle. Très.

À l'heure où était diffusée cette émission, il y avait seulement 10 femmes qui s'étaient proclamées ex-maîtresses du champion. Mais quand même, on a le droit d'être déçu. Le gars trompe sa femme, et superficiellement en plus!

En tout cas. Ça ne règle pas la Grande Question : pourquoi, mais pourquoi Tiger Woods l'a-t-il fait?

Eh ben, mesdames et messieurs, la sexologue nous l'a dit. C'est à cause de la porno. En effet, ce type de relation sexuelle superficielle est typique de notre époque, a dit la sexologue, en ce qu'elle imite la génitalité sans âme de la pornographie.

Quoi? Mais ça veut dire que... en plus de tromper sa femme à tour de bras, il se vautre dans la pornographie? Si on enlève le temps consacré à l'entraînement, à la compétition, à l'alimentation et au sommeil, une conclusion s'impose : il ne pense qu'à ça. Si ça se trouve, son cadet écrira un jour ses Mémoires dans l'herbe longue pour nous dire ce qu'il lui murmure dans le creux de l'oreille.

Ah, le cochon, je dis.

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Je ne suis pas sexologue, vous me direz. Mais tout de même, que dire de Bill Clinton ou, avant l'invasion pornographique, de John F. Kennedy? Ou, plus près de nous, de René Lévesque? Ou des sportifs de tout acabit, joueurs de pelote basque ou de hockey... Même de l'ancien temps... Ce n'étaient pas tous des Jean Béliveau, à ce qu'il paraît... Et je ne parle pas des rois, des empereurs...

De tout temps, des hommes dans la force de l'âge qui ont de l'argent ou du pouvoir, ou les deux, et qui passent leur vie loin de la maison, et qui s'ennuient des samedis soir avec ou sans hockey, ont attiré des femmes consentantes comme des aimants, par dizaines et par centaines, et ont imité autant que faire se peut la punaise de lit.

Tout cela a bien plus à voir avec le pouvoir qu'avec l'ère pornographique. Sauf pour ceci : cette soif sans précédent d'épanchement pornographique et médiatique. Il faut qu'elles et ils le disent, qu'on les écoute, qu'on en rajoute.

Une fois bien informé sexuellement parlant, j'ai éteint la télé et je suis retourné aux Antimémoires de Malraux. Il se demandait il y a 40 ans si notre «civilisation de la science» ne risquait pas, faute d'une culture pour «s'opposer aux puissances du sexe et de la mort», de devenir «l'une des civilisations les plus soumises aux instincts et aux rêves».

On y est presque, à quelques verges près.