Ah! Dommage, je ne serai pas ici samedi pour le salon du mariage écologique. Les exposants y expliqueront comment planifier une union verte en faisant appel à un photographe écolo et à un pâtissier bio qui utilise des produits locaux.

On suggérera aux fiancés de prononcer des voeux écologiques pendant la cérémonie, au moment de dire «Oui, je le veux».

Dans la ville qui a vu naître Greenpeace et David Suzuki, l'environnement n'est pas une mode récente. C'est un mot d'ordre. On aura donc droit aux Jeux les plus écologiques de l'histoire. C'est ce que le COVAN a promis.

 

En soi, les Jeux olympiques sont pourtant l'une des entreprises les plus insensées d'un strict point de vue environnemental. Après tout, il s'agit de déplacer des dizaines de milliers de personnes des quatre coins du monde, de construire des routes, de fabriquer de la neige artificielle et d'ériger des édifices pour une manifestation de deux semaines.

Dépenser 1 milliard de dollars uniquement pour protéger les êtres humains et les édifices pendant 17 jours, ce n'est pas très climatosympathique, pour ainsi dire.

Quand on parle de Jeux verts, on parle plutôt de limiter les dégâts. C'est déjà ça. Des édifices et installations certifiés LEED aux médailles faites avec des déchets électroniques, on est aussi vert que possible.

La chaleur des égouts

Au village olympique de Vancouver, 70% du chauffage proviendra de la récupération de la chaleur des égouts. C'est le seul système semblable en Amérique du Nord.

«Franchement, je ne croyais pas qu'ils y arriveraient, c'est très avancé comme système», me dit Jian Chen, scientifique et femme d'affaires que je rencontre près du village.

Le futur centre des congrès, qui sera le centre des médias pendant les Jeux, est un immense immeuble vitré face aux montagnes. De l'arrière, on n'aperçoit qu'une succession de vagues gazonnées. Toits verts, évidemment.

À l'anneau de patinage de vitesse de Richmond, l'eau de pluie est récupérée pour les urinoirs et les toilettes - je confirme, ça fonctionne. Sans parler du bois récupéré dans les forêts décimées par cette sale bête de dendroctone.

À Whistler, les maisons mobiles des officiels seront récupérées et réassemblées d'assez esthétique manière dans différents villages pour en faire des HLM.

Ce n'est pas une installation olympique, mais ce petit train électrique qui va de l'aéroport au centre-ville améliore la ville. Ce n'est peut-être qu'un métro glorifié, mais on est jaloux.

Il n'y a pas à dire, on a bien fait les choses. La visite va faire quelques oh! Du moment qu'elle réussira à accéder aux sites...

L'autoroute de l'hydrogène

En même temps, on a parfois poussé la prétention écologiste aux frontières du ridicule.

Il y a par exemple ce tramway, installé par Bombardier pour la durée des Jeux, sur des rails retapés au coût de 8,5 millions de dollars. Ah, sacré beau tramway. Et bilingue: bienvenue-welkom. C'est en effet Bruxelles qui le prête à Vancouver pour les Jeux.

Sauf que... il fait une station le long de False Creek et ne mène nulle part. «On devait se rendre au village olympique, mais les gars du COVAN ont changé d'idée: sécurité!» bougonne un employé de Bombardier. L'idée, bien sûr, est que les Vancouvérois crient tous en choeur, après un petit tour: «J'en veux un!»

Mais la meilleure, c'est l'aventure de l'autoroute de l'hydrogène.

Au début des années 2000, Ottawa entretenait de grandes ambitions face à ce carburant réputé propre, et la Colombie-Britannique se trouvait à être l'endroit où se concentraient les entreprises qui tentaient de développer cette technologie.

Ce serait un réseau d'approvisionnement qui relierait Whistler à San Diego, sur lequel circuleraient proprement voitures et autobus. Quelle meilleure vitrine que les Jeux olympiques pour annoncer au monde la bonne nouvelle technologique made in Canada?

Dans son plaidoyer auprès du CIO pour obtenir les Jeux, en 2003, le COVAN avait souligné ce projet. Elle transporterait les athlètes autant que le génie canadien «vers la gloire internationale», disait-on.

Sauf que, depuis, les expériences pilotes américaines n'ont pas été concluantes. Il faut de l'énergie pour produire l'hydrogène, d'abord. Et les constructeurs se sont mis à délaisser la technologie.

Qu'importe, Vancouver avait hérité d'une subvention de 9 millions pour faire rouler cinq Ford Focus à l'hydrogène. «Ce qui revient à un bail annuel de 360 000$ par voiture», note le professeur Anthony Perl, de Simon Fraser, qui a analysé en détail le projet 1.

Puis, en 2007, la Colombie-Britannique a acquis 20 autobus à l'hydrogène... au coût de 46 millions. Donc 2,1 millions par autobus, mais ce sera plutôt 4 millions en additionnant tous les coûts. «Les plus chers jamais produits», note Perl. On les a intégrés aux 135 autobus qui transportent les gens de Whistler aux installations olympiques, et on n'en parle guère.

Au fait, d'où vient l'hydrogène? Il arrive par camion... du Québec!

«Je ne pense pas que le monde entier sera particulièrement impressionné technologiquement parlant», me dit l'expert en études urbaines, ironique.

Et puis, plusieurs environnementalistes trouvent contradictoire l'élargissement de la route vers Whistler - même si elle était étroite et dangereuse.

Cette route sera réservée aux titulaires de permis et aux autobus accrédités (car il faudra transporter des milliers de travailleurs et de bénévoles de Vancouver à Whistler, où ils n'ont pas pu se loger). Après les Jeux, elle favorisera la croissance des banlieues. Il y a pourtant une belle voie ferrée qui fait tout le chemin.

Mais bon, c'est le COVAN qui a choisi d'épouser la cause environnementale, pour le meilleur et pour le reste.

1. Sustainability Assessment of Canada's Climate Initiatives in Transportation, SFU, 2009.

yves.boisvert@lapresse.ca