La chef et les militants péquistes sont euphoriques depuis lundi soir. «Le Parti québécois est de retour!» s'est écriée Pauline Marois. Et d'espérer que cela augure un retour à l'avant-scène du projet souverainiste.

Pourtant, si les résultats de lundi ont dépassé les attentes, ils restent plutôt modestes. Avec 35% du vote, le PQ a recueilli un soutien plus important qu'en 2003 et 2007, mais il a moins bien fait que lors de tous les autres scrutins depuis celui de 1973.

 

Par ailleurs, rien n'indique une remontée de l'appui à l'indépendance. Selon le plus récent sondage CROP, seulement 37% des Québécois auraient voté OUI lors d'un référendum sur la souveraineté, un résultat inférieur à celui du référendum de 1980.

Interrogés le mois dernier à savoir s'ils se considéraient souverainistes ou fédéralistes, seulement 21% des Québécois se sont dits souverainistes, contre 29% de fédéralistes et 36% qui ne s'associent à aucune de ces options. Chez les jeunes de 18 à 34 ans, à peine 18% s'identifient aux souverainistes.

On ne sent donc pas de vent favorable au Parti québécois ou à son projet. Pourtant, les indépendantistes ont bel et bien raison de se réjouir. C'est que les Québécois, sans adhérer au projet souverainiste comme tel, ont adopté la façon de penser des souverainistes. On en a vu une démonstration frappante lors de la dernière campagne provinciale.

La grande majorité des Québécois, même parmi les plus fédéralistes, ont perçu les charges du premier ministre Harper contre les «séparatistes» comme des attaques visant le Québec lui-même. Les souverainistes ont réussi à imposer leur vocabulaire, choisi pour des raisons stratégiques évidentes, de sorte que quiconque parle aujourd'hui de «séparatistes» est accusé d'insulter les Québécois. Pourtant, quelle faute a commise M. Harper? Pourquoi serait-il interdit au premier ministre du Canada de dénoncer en termes clairs un projet qui mènerait au démembrement du pays?

Les Québécois font le choix d'élire des députés du Bloc sans se soucier de leurs visées indépendantistes. C'est leur droit. Mais ils ne peuvent tout de même pas exiger que le reste du Canada demeure indifférent à l'objectif ultime de ces députés, au point même de les inviter à faire partie du gouvernement national!

Témoigne aussi de la domination du cadre de pensée souverainiste la transformation extrême de Jean Charest, dont le discours sur les «intérêts du Québec» diffère à peine de celui de Pauline Marois. M. Charest exige maintenant le rapatriement à Québec de toutes les institutions et de tous les budgets fédéraux dans le domaine de la culture. Difficile d'imaginer une revendication plus souverainiste que celle-là! En effet, il s'agit d'amputer le gouvernement canadien de toute capacité dans le domaine de la culture, domaine essentiel pour tout État national et où Ottawa a joué un rôle déterminant dans le développement de la culture québécoise.

Les Québécois ne sont pas souverainistes, mais ils en sont venus à voir le Canada avec les mêmes yeux que les souverainistes. Cette évolution témoigne de la déplorable faiblesse intellectuelle et organisationnelle des partis fédéraux au Québec. Et elle fournit au PQ un terreau extraordinairement fertile pour faire progresser son projet.

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