Au cours d'une entrevue diffusée dimanche à l'émission Les coulisses du pouvoir (Radio-Canada), le chef du Bloc québécois a fait deux affirmations éminemment contestables. Plongés dans leur habituelle léthargie, les adversaires politiques de Gilles Duceppe ont laissé passer ces déclarations qui auraient dû les faire bondir.

Interrogé sur la popularité de l'option souverainiste, M. Duceppe a déclaré: «Sur 200 élus québécois à Québec et à Ottawa, il y en a 101 qui sont souverainistes, les 49 du Bloc, les 51 du Parti québécois et M. Khadir de Québec solidaire. Ça fait 50% plus un.»

Quel calcul tordu que voilà! Dans les faits, le Parti québécois, le Bloc et Québec solidaire ont obtenu 38,5% de tous les votes exprimés au Québec lors des élections fédérales et provinciales de l'automne. Les indépendantistes sont donc loin de leur mythique 50% plus un. Ils en sont plutôt à 38% plus un... et ce, même si le PQ et le Bloc ont tous deux répété, durant leur campagne respective, que l'indépendance n'était pas un enjeu des élections.

Selon le plus récent Crop-La Presse, quelque 60% des Québécois voteraient NON si un référendum sur la souveraineté avait lieu aujourd'hui. Là encore, on est loin de la majorité.

M. Duceppe s'exposera au ridicule s'il persiste dans cette douteuse mathématique.

Le leader bloquiste a aussi soutenu que «dans un contexte de crise (économique), le Québec serait bien mieux comme pays souverain». Pauline Marois a dit la même chose au cours de sa campagne.

On voit mal ce qui peut appuyer une telle thèse. À ce jour, la province de Québec se tire mieux d'affaire que bien des pays indépendants. On peut avancer diverses explications pour cet état de fait mais chose certaine, absolument rien ne démontre que l'indépendance politique permet à une région de mieux traverser les turbulences économiques qui secouent la planète.

La France, tant admirée par les indépendantistes, est plongée dans une crise bien plus grave que les difficultés actuelles du Québec. L'Irlande, petit pays cité en exemple par les souverainistes en raison de la forte croissance qu'il a connue au cours de la dernière décennie, a glissé en récession plus vite et plus profondément que le reste de l'Europe.

Les indépendantistes québécois prétendent qu'un Québec souverain disposerait de «tous les outils» nécessaires pour faire face à la récession. De quels outils parle-t-on? Le seul instrument dont ne dispose pas déjà le gouvernement du Québec, c'est la politique monétaire. Comme le projet du Parti québécois prévoit que le futur pays conserverait le dollar canadien, un Québec indépendant ne contrôlerait pas davantage le tournevis monétaire qu'il ne le fait aujourd'hui.

Au cours de la campagne électorale, Pauline Marois s'est vantée de l'impact qu'avait eu son budget d'urgence, déposé à la suite des attentats du 11 septembre 2001. «Les mesures qui ont été mises en place ont donné des résultats exceptionnels, a-t-elle soutenu. Nous sommes sortis de ce ralentissement en meilleure position que tous les États autour de nous.»

Si l'indépendance ne fut pas nécessaire à cette époque pour permettre au Québec de sortir plus rapidement de la crise que ses voisins (indépendants...), pourquoi le serait-elle aujourd'hui?

apratte@lapresse.ca