On ne peut pas reprocher à Stephen Harper d'avoir comblé les 18 postes vacants au Sénat. Il est toutefois déplorable qu'il ait distribué la plupart de ces sièges à des fidèles conservateurs - beau cadeau de Noël! - perpétuant ainsi la triste tradition qui a contribué à la mauvaise réputation de la chambre haute.

Donnons à Harper ce qui appartient à Harper: en ce qui a trait à la réforme du Sénat, il a fait montre d'une détermination qu'on n'avait pas vue chez ses prédécesseurs. Son gouvernement a déposé des projets de loi visant à limiter le mandat des sénateurs à huit ans et à permettre aux provinces d'élire les sénateurs les représentant. Ces deux projets se sont toutefois heurtés à une réalité incontournable: compte tenu de l'importance du Sénat dans notre système fédératif, toute réforme d'importance devra obtenir l'aval des provinces.

 

Allergique aux négociations constitutionnelles, le premier ministre a cru pouvoir passer outre et imposer sa volonté. Encore une fois, il s'est lourdement trompé.

Bien des gens, des politologues à l'opposition libérale, avaient reproché à M. Harper de ne pas nommer de sénateurs et de miner ainsi l'efficacité de la chambre haute. Ceux-là sont bien mal placés pour critiquer l'annonce faite hier par le premier ministre. C'est particulièrement le cas du Parti libéral, qui au cours des années s'est allégrement servi du Sénat pour récompenser ses amis.

La politique étant ce qu'elle est, on peut aussi admettre que le premier ministre n'ait pas voulu donner l'occasion à un éventuel gouvernement de coalition de combler les postes vacants, ce qui aurait accru la domination des libéraux.

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Cela dit, si M. Harper avait voulu faire du Sénat une institution plus utile, il aurait fait ses choix sur la base de la compétence. Ce ne fut malheureusement pas le cas. Au contraire, plusieurs des heureux non-élus ont comme principale distinction d'avoir oeuvré pour le Parti conservateur. C'est notamment le cas de trois des quatre Québécois choisis. Leo Housakos a recueilli des fonds pour l'Action démocratique du Québec et est un proche du principal conseiller de M. Harper pour le Québec, Dimitri Soudas. Après avoir été député du PQ, Michel Rivard est devenu organisateur pour l'Alliance canadienne puis pour le PC. Suzanne Duplessis a été députée sous Brian Mulroney. Le communiqué publié par le bureau du premier ministre précise que «plus récemment, elle a fait du bénévolat auprès du Congrès eucharistique international».

Le CV des représentants des autres provinces n'est pas plus convaincant. Réjouissons-nous tout de même de la nomination des Nancy Greene, Patrick Brazeau (un leader autochtone du Québec) et Fred Dickson (un avocat réputé de la Nouvelle-Écosse), qui contribueront sans doute à élever le niveau des débats au salon rouge.

En faisant d'aussi mauvais choix, M. Harper réduit à néant la crédibilité de ses efforts en faveur de la réforme du sénat. Et il démontre à nouveau que le seul «principe» qui le guide, c'est l'intérêt du Parti conservateur.