Un milliard, deux milliards, 695 millions: tels sont les montants évoqués depuis deux jours par les politiciens québécois pour chiffrer les «pertes» que subira le gouvernement du Québec à la suite des changements apportés à la formule de péréquation. Un député du Bloc québécois en a tiré la conclusion que «le gouvernement fédéral, peu importe la couleur, défend uniquement les intérêts de la nation canadienne au détriment du Québec».

En réalité, le gouvernement du Québec ne perdra rien. Les paiements de péréquation qu'il reçoit, qui ont considérablement augmenté au cours des dernières années, continueront de croître. Simplement, à compter de 2010-2011, cette croissance sera moins rapide que ce qu'il espérait. Rappelons quelques chiffres. En 2005-2006, le gouvernement du Québec a reçu 4,8 milliards en péréquation. Depuis ce temps, le fédéral a augmenté l'envergure de ce programme et corriger des inéquités de sorte qu'en cinq ans, la somme obtenue par la province est passée à 8,4 milliards en 2009-2010, une augmentation de 74%. Compte tenu de la formule de péréquation mise en place par le gouvernement Harper, le ministère des Finances du Québec espérait recevoir encore plusieurs centaines de millions de plus en 2010-2011. Mais l'automne dernier Ottawa, réalisant l'explosion des coûts du programme, a annoncé que la croissance de la péréquation serait limitée à celle de l'économie. En 2010-2011, le Québec recevra donc plus que l'année précédente, mais moins que dans ces fantasmes. Monique Jérôme-Forget rêvait du gros lot de la 6/49, elle devra se contenter de celui de la Quotidienne. (À noter qu'autant à Ottawa qu'à Québec, on refuse de publier des chiffres précis sur la péréquation attendue en 2010-2011, ce qui laisse le champ libre à la démagogie des politiciens de part et d'autre.)

 

Le premier ministre Charest a parlé de «fédéralisme unilatéral», sa ministre des Finances de «fédéralisme autoritaire». Ils n'ont pas tort de déplorer le fait que ces changements ont été annoncés par le fédéral sans qu'il ait eu consultation des provinces. Cela dit, celles-ci ont du temps pour s'ajuster.

Il faut dire aussi que le gouvernement Charest est mal placé pour déplorer l'attitude des fédéraux, compte tenu du ton qu'il a adopté à leur égard au cours des derniers mois. Le dialogue, le respect, ça se joue à deux.

Les politiciens du Québec prétendent que le problème du déséquilibre fiscal n'est pas réglé. Non seulement cette thèse n'est plus crédible, elle est loufoque. Les transferts fédéraux représentent aujourd'hui 22% des revenus budgétaires du gouvernement provincial; c'est exactement la même proportion qu'au début des années 90, avant les compressions imposées par Paul Martin. De plus, le fédéral se retrouvant plus de 30 milliards dans le rouge, qui osera prétendre qu'il nage dans l'argent?

Compte tenu de ses particularités, le Québec a assez souvent des intérêts différents de ceux des autres provinces. Il lui faut donc régulièrement défendre sa façon distincte de voir les choses. S'il veut gagner ces batailles, il lui faut choisir celles où sa position est solide.

Étant donné les gains qu'a faits la province depuis cinq ans, la péréquation est la pire cause qui soit. Si le Québec perd quelque chose dans ce litige, ce ne seront pas des millions, mais sa crédibilité.

apratte@lapresse.ca