Pauline Marois et Gilles Duceppe ont écrit au président français pour déplorer les «épithètes méprisantes» que celui-ci a accolées aux indépendantistes québécois. Souhaitons que M. Sarkozy trouvera le temps de lire cette lettre; il y trouvera le ton généralement sobre et les idées modérées qui caractérisent les dirigeants du mouvement souverainiste d'aujourd'hui.

Contrairement à ce qu'a laissé entendre le président de la République, les souverainistes du Québec ne sont pas favorables à l'«enfermement»; ils n'incitent personne à «détester» les Canadiens des autres provinces.

Quant au sectarisme, le mot est trop fort. Cependant, les chefs indépendantistes doivent convenir qu'il existe au sein de leur mouvement un courant substantiel dont la tolérance aux opinions contraires n'est pas la principale vertu. Ce sont ces gens, dont certains fort connus, qui traitent les fédéralistes de traîtres, de vendus et autres insultes du genre, et dont les dirigeants du PQ et du Bloc ne se dissocient pas assez clairement.

Parlant de tolérance à l'égard des idées d'autrui, on ne peut pas dire que le chef du Bloc en a beaucoup manifesté en mettant les propos de Nicolas Sarkozy sur le compte de son «ignorance crasse» de la situation au Québec. Qu'en sait-il? Dans leur lettre, Gilles Duceppe et Pauline Marois citent, admiratifs, les déclarations du général de Gaulle au sujet de la «libération» du Québec. Le célèbre général connaissait-il mieux le Québec que M. Sarkozy aujourd'hui?

Cette ignorance dont parle M. Duceppe, Bernard Landry n'en avait pas décelé trace lors de sa rencontre avec le futur président il y a quatre ans. M. Landry n'avait pas non plus eu l'impression que M. Sarkozy était endoctriné par l'homme d'affaires Paul Desmarais, comme le prétendent aujourd'hui des indépendantistes dans une manoeuvre de mauvais goût visant à discréditer l'opinion du président. Faisant référence à l'amitié entre le propriétaire de La Presse et le politicien français, M. Landry avait déclaré: «M. Sarkozy a des amis qui ne pensent pas exactement comme nous. Mais ils lui ont présenté les choses d'une façon relativement objective. Il n'y a rien de négatif de son côté.»

Écrivant au chef de l'Élysée, les leaders indépendantistes n'abordent pas une partie essentielle de ses récents propos. Ce passage, sous forme de question, est d'une pertinence certaine. Il exprime la vision particulière qu'un homme d'État profondément engagé dans les affaires internationales peut avoir du débat sur l'avenir politique du Québec.

«Croyez-vous que le monde, dans la crise sans précédent qu'il traverse, a besoin de division?» a demandé M. Sarkozy à son auditoire. Qui répondrait par l'affirmative?

Dans leur missive, Mme Marois et M. Duceppe soulignent au président de la République que «les Nations-Unies ont accueilli, depuis 1980, pas moins de 38 nouveaux pays». C'est un fait.

Le monde s'en porte-t-il mieux? De combien de ces pays les Québécois devraient-ils envier la qualité de vie politique, sociale, culturelle, économique? Est-il vraiment souhaitable que cette désagrégation des pays existants se poursuive?

apratte@lapresse.ca