Tout est en place pour une capitulation des autorités fédérales au sujet de la commémoration de la bataille des plaines d'Abraham. Assiégée, la Commission des champs de bataille nationaux ne dit plus mot. Les politiciens fédéralistes la lâchent les uns après les autres.

Le ministre Jean-Pierre Blackburn souhaite que la Commission organise un «événement rassembleur». M. Blackburn devrait expliquer quel genre de projet pourrait, selon lui, obtenir l'aval de gens pour qui «un tel événement constitue une humiliation de plus pour la nation entière dans le but d'en faire un objet de propagande de l'unité canadienne» (dixit la pétition des opposants).

 

La couardise des fédéralistes laissera, encore une fois, le champ libre à l'interprétation dominante de notre histoire. Cette vision selon laquelle le paradis de la Nouvelle-France fut transformé en enfer par la conquête, enfer dont nous ne serons libérés que le jour de l'indépendance.

Il ne s'agit pas d'endosser toutes les activités mises au programme par la Commission. Il ne s'agit pas non plus de «fêter» la défaite des troupes de Montcalm. Toutefois, il est tout à fait approprié de marquer cet événement crucial dans notre parcours. Un moment déterminant pour ce que nous sommes devenus: nos coutumes, notre culture, notre système politique, notre architecture... Un moment destructeur, certes, mais aussi fondateur.

Il convient aussi de célébrer ce qui est advenu après 1759: la cohabitation souvent difficile entre les deux peuples, bien sûr; la résistance des Canadiens-français, certainement; mais aussi les nombreux moments d'ouverture, de collaboration, de complicité entre francophones et anglophones.

Libre aux souverainistes de proposer leur propre version des choses. Mais pourquoi devrait-on leur laisser le pouvoir de décider pour tous les Québécois ce qui peut et ce qui ne peut pas être commémoré? D'autant plus que leur façon de présenter l'histoire est caricaturale.

Un exemple parmi tant d'autres: dans Le Devoir, Yves Beauchemin souligne que Louis-Joseph Papineau avait refusé de participer à l'inauguration d'un monument honorant les victimes anglaises et françaises de l'affrontement de 1759. Les raisons invoquées par Papineau devraient inspirer les Québécois d'aujourd'hui, selon l'écrivain. Voilà qui est intéressant. À la même époque, Papineau prônait l'annexion du Québec aux États-Unis. Avait-il raison en cela aussi? Si les Québécois l'avaient suivi plutôt que La Fontaine, l'oeuvre marquante de M. Beauchemin aurait eu pour titre The Alley Cat...

Les Hurons de Wendake ont fait savoir qu'ils participeront à la commémoration de la bataille de 1759. «On va être beaux, on va être grands, on va être nobles», a dit le chef Konrad Sioui. Il y a deux siècles, les Hurons combattaient aux côtés des Français et se retrouvèrent donc, comme les Canadiens, du côté perdant.

La nation huronne a participé aussi au 400e anniversaire de la fondation de Québec, même si les Français du XVIIe siècle avaient comme politique explicite l'assimilation des «sauvages». Comme quoi certains peuples se sont mieux réconciliés que d'autres avec leur histoire.

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