Comparaissant mercredi devant un comité du Congrès américain, le pdg du géant bancaire Citigroup, sauvé de la faillite par les fonds publics, s'est livré à un acte de contrition. Vikram Pandit s'est excusé de ne pas avoir annulé plus tôt l'achat d'un jet privé de 50 millions. Il a aussi annoncé qu'il se contenterait d'un salaire d'un dollar tant que Citigroup n'aurait pas retrouvé la rentabilité.

«Je comprends que nous vivons dans un nouveau monde et je vais faire en sorte que tout le monde à Citigroup le comprenne», a déclaré le banquier.

 

Déjà millionnaire, M. Pandrit ne se retrouvera pas sur la paille avec son dollar annuel. Néanmoins, ce geste symbolique a son importance. Il indique que le patron de la banque a compris la gravité de la crise économique et qu'il accepte sa part de responsabilité. Tous ses collègues n'ont pas un sens éthique aussi élevé. Ainsi, on apprenait ces jours-ci que malgré des milliards de pertes en 2008, et quelques semaines avant d'être acquise in extremis par la Bank of America, Merrill Lynch a versé des primes d'un million et plus à 700 de ses dirigeants.

Dans le «nouveau monde» dont a parlé Vikram Pandit, de telles primes sont tout simplement indécentes. D'un point de vue moral autant que financier, une institution au bord de la faillite ne peut pas verser des millions en récompenses à ses dirigeants. Au contraire, elle doit leur imposer la frugalité.

Au Canada, les pdg de certaines banques ont choisi de se passer de leurs primes cette année. D'autres ont refusé de faire de même malgré la pression publique, notamment Louis Vachon, de la Banque Nationale, et Réjean Robitaille, de la Banque Laurentienne.

Dans ces deux cas, il n'est pas certain que l'indignation soit justifiée. Les institutions qu'ils dirigent ne sont pas en faillite comme leurs voisines américaines. Au contraire, la Banque Nationale et la Banque Laurentienne ont augmenté leurs profits en 2008.

La situation de l'ancien président de la Caisse de dépôt, Henri-Paul Rousseau, aujourd'hui à l'emploi de Power Corporation, propriétaire de La Presse, est plus délicate. Contrairement à ce qu'on entend souvent dire, M. Rousseau n'a pas quitté un navire qui coulait. Il a démissionné en mai 2008, après la conclusion de l'Accord de Montréal sur les PCAA et avant la chute des marchés en automne, une chute que personne ne pouvait prévoir. En outre, pendant les cinq années durant lesquelles Henri-Paul Rousseau a été à la barre, la Caisse a vu son actif net doubler.

Cela dit, la Caisse aura connu en 2008 la pire année de son histoire. Parce que c'est sous sa gouverne qu'ont été mises en place la nouvelle structure et les nouvelles politiques d'investissement de l'organisation, M. Rousseau porte une part de responsabilité pour ce qui s'est passé depuis sa démission. C'est pourquoi plusieurs auraient vu d'un bon oeil qu'il choisisse de rembourser sa prime de départ ou de la verser à un organisme de charité.

La confiance dans les institutions financières s'est effondrée. S'ils souhaitent la regagner, les banquiers devront dorénavant faire preuve, dans leur mode de vie comme dans leurs décisions, de plus de modestie et de compassion.