Comme ailleurs dans le monde, l'hémorragie des emplois au Canada se poursuit. Selon les données publiées jeudi par Statistique Canada, plus de 60 000 personnes ont perdu leur travail durant le mois de mars. Depuis le sommet d'octobre dernier, 357 000 emplois ont disparu. L'équivalent de la ville de Laval au chômage!

Parce qu'il s'agit d'autant de drames humains, employeurs et syndicats doivent s'efforcer de trouver des moyens originaux de réduire leurs coûts dans le but de préserver le plus possible les emplois. L'amélioration récente du programme fédéral de travail partagé pourrait offrir des possibilités intéressantes à cet égard.

 

Les gouvernements du pays ont déjà renforcé le soutien qu'ils offrent aux personnes sans travail. Plusieurs pressent Ottawa d'aller au-delà des améliorations à l'assurance-emploi annoncées dans le dernier budget. L'intention est irréprochable, mais il faudra prendre garde de ne pas faire des changements improvisés ou trop coûteux. À l'heure qu'il est, la proportion de chômeurs qui reçoivent des prestations est la même que depuis 10 ans. Si le programme était jugé suffisant pour le million de chômeurs que comptait le pays jusqu'à l'automne 2008, pourquoi ne le serait-il pas pour les dizaines de milliers de chômeurs supplémentaires?

On dira qu'il est plus difficile de trouver un boulot en période de récession. En effet. C'est pourquoi le gouvernement Harper a déjà prolongé de 5 semaines la période maximale d'admissibilité aux prestations, une mesure qui à elle seule coûtera plus de 500 millions par année.

À mesure que la situation de l'emploi s'assombrit s'accroîtront les pressions sur les gouvernements pour qu'ils augmentent encore leurs dépenses stimulatrices. Ces appels sont mal avisés.

Avant de céder à la panique, il faut prendre un peu de recul. S'il s'est perdu des dizaines de milliers d'emplois par rapport au sommet de l'automne, le marché du travail au Canada est encore en relativement bon état. À 61,9%, le taux d'emploi se situe en gros au niveau des années 2000 à 2002, ce qui n'était quand même pas l'enfer. Au Québec, le taux de chômage de 8,3% est bien en deçà de ce qu'on a connu dans les décennies 80 et 90, et similaire à la situation depuis le début du nouveau millénaire, sauf pour la poussée exceptionnelle de l'emploi depuis l'automne 2006.

La saignée risque de se poursuivre au cours des prochains mois. Les gouvernements ont déjà engagé des sommes considérables, au prix de l'équilibre budgétaire, pour relancer l'économie. Toute mesure additionnelle annoncée maintenant produirait ses effets une fois la récession passée.

Vient un temps où il faut prendre son mal en patience, même s'il n'est pas populaire de le dire, encore moins de le faire. Les gouvernements ne peuvent pas remplacer les acheteurs d'acier, de bois, d'automobiles et d'avions. Il faut laisser les forces du marché trouver un nouvel équilibre; cela prendra nécessairement plusieurs mois. Essayer d'accélérer le processus, écrit le professeur Amar Bhidé, de l'Université Columbia, équivaut à «donner des coups de poing sur son ordinateur pour qu'il redémarre plus rapidement».