Les fonds du programme de stimulation de l'infrastructure, un élément clé du plan de relance économique du gouvernement Harper, se font attendre. Des municipalités craignent de ne pas pouvoir profiter pleinement de la saison de construction de 2009. Du coup, certains projets devront peut-être être retardés et ne pourront être terminés avant l'échéance fixée dans le budget Flaherty, le 31 mars 2011.

Ce retard s'explique en partie par la lenteur des négociations entre Ottawa et certaines provinces. À ce jour, cinq provinces (dont le Québec) ont conclu avec le fédéral une entente relative au Fonds de stimulation de l'infrastructure.

 

Autre source de retard: à Ottawa, une partie de bras de fer est engagée entre le politique et la bureaucratie. La tension est une conséquence directe de l'affaire des commandites. La columnist Chantal Hébert intitulait d'ailleurs sa chronique d'hier matin, dans Le Devoir: «Les commandites, prise II.»

Rappelons que le juge Gomery a attribué une part substantielle de la responsabilité du scandale au sous-ministre des Travaux publics, Ranald Quail. Selon M. Gomery, le haut fonctionnaire avait «abdiqué son devoir» de superviser la gestion du programme des commandites de crainte de déplaire à ses patrons politiques. «L'une des qualités exigées des hauts fonctionnaires est le courage», a souligné le magistrat.

Les fonctionnaires ont retenu la leçon. La fonction publique a tenu à étudier chacun des centaines de projets d'infrastructure soumis par les provinces et les municipalités avant que les fonds ne soient déboursés. Selon des informations qui ont coulé dans les journaux, le sous-ministre des Transports et des Infrastructures, Louis Ranger, a résisté aux pressions de son ministre, John Baird, au point de susciter le mécontentement de ce dernier et du premier ministre lui-même.

Les conservateurs sont pressés d'aller de l'avant pour de bonnes et de mauvaises raisons. Ils savent que pour avoir quelque impact sur la relance économique, les projets d'infrastructures doivent être en chantier maintenant... sinon hier! Ils savent aussi que seuls les projets annoncés dans les prochains mois leur seront politiquement utiles pendant une campagne électorale automnale.

Cette précipitation risque d'être néfaste, des milliards de fonds publics étant dépensés pour des projets plus ou moins bien ficelés, dont la nécessité n'est peut-être pas aussi évidente que le croient leurs promoteurs. Par ailleurs, même si on fait le plus vite possible, dans bien des cas la construction commencera alors que le pays sera déjà sorti du creux de la récession.

Quand on le fait suivant un plan cohérent et à long terme (voir le programme lancé en 2007 par le gouvernement du Québec), investir dans les infrastructures est une excellente idée. Mais quand on veut aller vite, les risques de dérapage sont importants. Or ces risques ne valent pas la peine d'être courus parce que de toute façon, l'impact de tels projets sur le ralentissement économique ne sera pas significatif. Par contre, l'impact sur les finances publiques sera certainement néfaste.