Le chef du Parti libéral du Canada, Michael Ignatieff, est en réflexion. Il se demande s'il doit voter pour ou contre le gouvernement Harper vendredi prochain. Si, à l'instar des bloquistes et des néo-démocrates, les libéraux s'opposent aux crédits, le gouvernement tombera et des élections générales auront lieu le 27 juillet. Ce scénario serait néfaste pour l'économie, pour la démocratie et pour le Parti libéral.

On comprend que certains libéraux piaffent d'impatience. Les sondages leur donnent quelques points d'avance et le gouvernement Harper est submergé par une pluie de tuiles. Ils craignent aussi, s'ils attendent à l'automne, que l'économie prenne du mieux et que le gouvernement s'en attribue le mérite.Le seul reproche que peuvent faire les libéraux aux mesures de relance économique annoncées en janvier par le gouvernement, c'est qu'elles ne sont pas mises en place assez rapidement. Les milliards promis pour les infrastructures, notamment, mettent du temps à se rendre sur le terrain. On peut toutefois être certain que les conservateurs font l'impossible pour accélérer les choses; leur intérêt partisan le dicte. Si, dans beaucoup de cas, les travaux n'ont pas commencé, c'est qu'il y a un travail d'analyse et d'approbation qui ne peut tout simplement pas être escamoté.

Les choses se passeraient-elles plus rapidement si les libéraux étaient au pouvoir? C'est très peu probable. Une chose est sûre: la tenue d'élections générales cet été ne pourra que ralentir le processus. Autrement dit, si Michael Ignatieff veut que les mesures de relance produisent vite des résultats, il ne doit pas forcer la tenue d'un scrutin estival.

Passons aux considérations liées à la santé de la démocratie canadienne. On le sait, le taux de participation aux élections fédérales est à la baisse depuis plusieurs années. Le 14 octobre dernier, ce taux a glissé sous les 60% pour la première fois depuis la Confédération. Si des élections générales ont lieu au beau milieu de l'été - au Québec, en pleines vacances de la construction - il est presque certain que l'intérêt et la participation seront plus faibles que jamais. Certes, bien des gens aimeraient se débarrasser du gouvernement de Stephen Harper. Faut-il pour cela prendre le risque de gonfler encore le cynisme populaire à l'égard des politiciens?

Enfin, les libéraux doivent voir plus loin que leur nez. M. Ignatieff lui-même l'admet, le renouveau du Parti libéral est loin d'être achevé. Au Québec, on n'entend pas parler de candidatures d'envergure. Le chef libéral suscite la curiosité, c'est certain, mais les Québécois ne le connaissent pas vraiment. Ils ne savent surtout rien de ce qu'il propose comme politique économique, comme politique étrangère, comme politique environnementale. Une formation et un chef mal préparés feraient des cibles faciles. Déçus, les électeurs d'abord attirés par le nouveau chef libéral retourneraient vite au refuge bloquiste.

Des élections le 27 juillet? Une très mauvaise idée. Passez un bel été, M. Ignatieff!