Dans le texte que nous publions ci-contre, le ministre fédéral Christian Paradis souligne que «le 1er juillet est une journée où les Québécois et les Canadiens de toutes origines peuvent se rassembler pour souligner le grand pays que nos ancêtres nous ont légué». Nous partageons cet enthousiasme. Il ne doit toutefois pas nous aveugler. En réalité, relativement peu de Québécois francophones célébreront la fête du Canada.

Un sondage Léger Marketing publié par le Journal de Montréal indique que 32% des Québécois (24% des francophones) fêteront le Canada demain. Cela fait certes deux millions de personnes. Mais c'est beaucoup moins que les 48% de Québécois (56% chez les francophones) qui ont marqué d'une manière ou d'une autre la Fête nationale la semaine dernière. À quoi attribuer cette indifférence relative à la fête du Canada? Les gens qui se préoccupent de l'avenir du pays devraient-ils s'en inquiéter?

 

Il faut d'abord noter que le phénomène n'est pas nouveau. Un sondage réalisé par CROP en 1992 arrivait aux mêmes résultats. Les Québécois francophones sont depuis toujours plus attachés à leur province, à leur nation qu'à l'ensemble canadien. Les Canadiens français qui ont défendu le projet confédératif au XIXe siècle ne s'attendaient pas à autre chose, même s'ils parlaient de créer une «nouvelle nationalité politique». Écoutons Sir Hector-Louis Langevin, un des Pères de la Confédération: «Ce que nous souhaitons, c'est défendre les intérêts généraux d'un grand pays et d'une puissante nation, au moyen d'un pouvoir central. D'un autre côté, nous ne voulons pas faire disparaître nos différentes coutumes, nos moeurs, nos lois; au contraire, c'est là précisément ce que nous désirons le plus protéger par la confédération.»

Il est vrai qu'au fil des décennies, la nouvelle nationalité a creusé des racines plus profondes dans les provinces à majorité anglophone. Les Québécois se sentent bel et bien Canadiens; selon un sondage CROP réalisé pour le réseau L'Idée fédérale, seulement 13% des Québécois ne s'identifient pas du tout comme Canadiens. Cependant, pour la majorité des francophones, l'attachement au Québec est bien plus fort que leur sentiment d'appartenance au Canada. Ici, l'adhésion au projet canadien est plus rationnelle qu'émotive. Aux yeux de certains fédéralistes, cela rend cette adhésion plus fragile. Sans doute. Toutefois, les tentatives passées de stimuler le patriotisme canadien de la population québécoise ont échoué, quand elles n'ont pas eu des effets néfastes (voir les commandites...). L'émotion nationale ne se commande pas. Il n'est pas certain qu'elle puisse se gagner.

Il reste que la Confédération aura 142 ans demain et que les Québécois pensent, encore aujourd'hui, y trouver leur compte. La raison ne fait peut-être pas une fête forte, mais elle peut faire un pays solide.