Le Globe and Mail et CTV ont publié hier les résultats d'un imposant sondage réalisé par la firme Strategic Counsel. Ceux qui souhaitent la poursuite du projet canadien y trouveront matière à se rassurer, mais aussi quelques motifs d'inquiétude.

La donnée la plus frappante est celle-ci: quand on demande aux Canadiens s'ils approuvent ou non l'énoncé «Le Canada est le meilleur pays du monde», neuf sur 10 se disent d'accord. Pas moins de 78% des Québécois sont tout à fait d'accord (30%) ou plutôt d'accord (48%) pour dire que le Canada est le meilleur pays du monde. Dans une province où l'on ne cesse de dénigrer le fédéralisme, Ottawa et les Canadiens anglais, c'est une statistique franchement étonnante. Ce pourcentage élevé révèle un paradoxe: bon nombre d'indépendantistes croient que le Canada est le meilleur pays sur Terre.

 

Dans les autres provinces, la fierté est à son comble: 93% des Canadiens hors-Québec affirment que leur pays est le meilleur du monde. Une telle attitude frise l'arrogance; or, l'arrogance nationaliste n'est pas sans risques. Que le Canada soit un pays où il fait très bon vivre et que la Confédération soit fondée sur des principes nobles, certes. Mais le meilleur pays du monde? Cette fierté exacerbée explique sans doute que 62% des Canadiens hors-Québec affichent un unifolié sur leurs bagages lorsqu'ils voyagent (seulement 22% des Québécois font de même).

Six Canadiens sur 10 sont convaincus que le Québec ne se séparera jamais du reste du pays; c'est ce que pensent aussi 61% des Québécois. Comme leurs concitoyens des autres provinces, les Québécois pensent majoritairement qu'au-delà de leur diversité, les Canadiens partagent les mêmes valeurs.

Par contre, la plupart des répondants (61%) estiment que la fédération est moins unie aujourd'hui que dans le temps de leurs parents. Toute cette fierté cache donc un malaise, et ce malaise est présent dans toutes les régions du pays.

On constate aussi que la barrière linguistique ne s'est pas estompée. La moitié des Québécois estiment maîtriser plus ou moins les deux langues officielles du pays; c'est le cas d'à peine un Canadien hors-Québec sur 10. Presque huit Québécois sur 10 jugent important que les Canadiens parlent anglais et français tandis qu'ailleurs au pays, la proportion est deux fois moindre. Difficile de mieux connaître l'autre quand on ne parle pas ni même souhaite parler sa langue...

L'enquête Globe and Mail-CVT-Strategic Counsel montre aussi que si 67% des autres Canadiens ont déjà visité le Québec, les Québécois, eux, n'ont rien vu de leur pays sauf les deux provinces voisines, l'Ontario et le Nouveau-Brunswick. Seulement 16% des Québécois interrogés se sont déjà rendus en Alberta, et seulement 18% ont vu la Colombie-Britannique. Difficile de mieux connaître l'autre quand on ne va pas à sa rencontre...

Cela dit, si les Québécois et les autres Canadiens se connaissent peu, ils partagent plusieurs expériences communes. Notamment, les trois quarts d'entre eux, quelle que soit leur province de résidence, ont déjà... mangé de la poutine. Cependant, on ignore s'ils ont aimé ou pas.