L'annonce d'une réorganisation des soins offerts aux personnes âgées à Montréal a suscité une inquiétude palpable dans la population. Cette inquiétude, nous la partageons.

Lundi dernier, sous la plume de Katia Gagnon, La Presse relatait les grandes lignes de cette «transformation de l'offre de services» mise en oeuvre par l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal.

 

Cette réorganisation comporte deux volets. En premier lieu, les 792 lits de soins de longue durée que comptent actuellement les hôpitaux de Montréal seront fermés d'ici trois ans. Tout le monde s'entend sur le fait que l'hôpital n'est pas un milieu de vie approprié pour une personne âgée n'ayant pas constamment besoin de soins médicaux.

En second lieu, on va faire en sorte que les lits de courte durée présentement occupés par des personnes âgées, dont l'état de santé a été stabilisé, soient libérés en 72 heures au plus. Encore là, on ne contestera pas l'objectif: il s'agit de réserver tous les lits des centres hospitaliers aux personnes qui ont besoin de soins à court terme.

Si les objectifs sont incontestables, pourquoi cette inquiétude? Parce que, ayant le virage ambulatoire à l'esprit, bien des gens se demandent où on va envoyer les personnes âgées concernées, d'autant que les CHSLD affichent toujours complet. Dans le cas des lits de longue durée, l'Agence assure qu'aucun ne sera fermé si on n'a pas trouvé d'endroit approprié pour loger la personne déplacée. Il faut dire que la coordination entre les établissements du réseau est bien meilleure depuis la mise sur pied des Centres de santé et de services sociaux (CSSS).

Pour ce qui est des vieux occupants des lits de courte durée, même s'ils n'ont plus besoin de soins actifs, ils seront d'abord envoyés dans un «lit d'évaluation», c'est-à-dire dans un CHSLD où le personnel spécialisé déterminera le type d'hébergement qui leur convient. Si, au bout de trois mois, on a été incapable de trouver une place dans un lieu souhaité par le patient, celui-ci sera transféré dans un «lit de transition».

C'est l'aspect de la réorganisation qui suscite le plus de scepticisme. La réaction de M. Jacques Fournier, reproduite ci-contre, est représentative: «Trois déménagements, c'est inacceptable au plan humain.»

À l'Agence, on explique que les «lits de transition» seront le plus proche possible des services souhaités par chaque patient. Autrement dit, à défaut d'accommoder le premier choix de la personne âgée, on lui offrira ce qui s'en rapproche le plus, tant au plan géographique qu'à celui du type d'hébergement.

N'y a-t-il pas un risque qu'on bouscule les personnes âgées pour satisfaire à tout prix la norme des 72 heures? Qu'on accroisse l'angoisse de ces personnes fragiles en les déplaçant de case en case?

Les gestionnaires devront garder à l'esprit qu'il ne s'agit pas seulement d'exécuter un plan, qu'ils ne déplacent pas des pions, mais des personnes vulnérables. Il faudra aussi que la famille, si elle est présente, soit vigilante. Comme devront l'être les médias, le Protecteur du citoyen et la Commmission des droits de la personne.