Les plus récentes projections démographiques de l'Institut de la statistique du Québec, publiées cette semaine, amènent d'abord l'observateur à pousser un soupir de soulagement. Alors que les projections précédentes, faites en 2003, annonçaient un déclin de la population totale de la province à compter de 2031, l'ISQ se fait aujourd'hui rassurante: la population québécoise continuera à croître au moins pendant les 50 prochaines années. Dans un demi-siècle, on comptera 9,2 millions de Québécois, 1,6 million de plus qu'aujourd'hui.

Les prévisions de 2003 étaient surtout inquiétantes parce qu'elles laissaient entrevoir, dès 2011, une baisse du nombre de personnes en âge de travailler (20-64 ans). Or, une nation dont la population active diminue voit nécessairement sa croissance économique ralentir. Et une nation dont l'économie stagne ne peut s'offrir les services publics dont elle a besoin, surtout quand le nombre de personnes âgées explose.

 

Les nouvelles projections prévoient qu'il y aura bel et bien une baisse du nombre de Québécois en âge de travailler, mais cette baisse sera de courte durée. La catastrophe annoncée ne se produira pas.

Il ne faudrait toutefois pas qu'ayant poussé ce soupir de soulagement, les Québécois s'assoient sur leurs lauriers. Comme le souligne l'Institut, «le défi du déséquilibre démographique demeure colossal».

Soulignons d'abord que si les projections démographiques sont aujourd'hui moins sombres, c'est surtout grâce à l'augmentation du nombre d'immigrants décidée par le gouvernement du Québec. La hausse du taux de fécondité amorcée en 2006, dans la mesure où il s'agit d'une tendance à long terme, contribuera bien sûr à freiner le déclin. Cependant, c'est l'immigration internationale qui sera le facteur dominant. L'ouverture du Québec aux gens venus d'ailleurs devra donc être maintenue et il nous faudra apprendre à gérer les tensions qu'elle génère. On ne pourra pas se payer un psychodrame Bouchard-Taylor tous les deux ans.

Malgré la hausse de la fécondité et l'arrivée de milliers d'immigrants relativement jeunes, le nombre et la proportion de vieilles personnes grimperont rapidement. Il y aura en 2056 le même nombre de Québécois âgés de 20 à 64 ans qu'aujourd'hui, mais 1,5 million de plus âgés de 65 ans et plus. Les personnes de plus de 75 ans représenteront 16% de la population de la province, contre 6% maintenant.

C'est dire que la population active devra soutenir (on pense surtout aux dépenses de santé) une population vieillissante beaucoup plus nombreuse qu'aujourd'hui. Déjà très serrées, les finances publiques du Québec seront sollicitées comme jamais.

Derrière la bonne nouvelle de ces prévisions - pas de déclin démographique - se cache donc la même réalité têtue - le déséquilibre démographique. C'est une réalité que les Québécois ont refusé d'admettre jusqu'ici. Pourtant, un jour ou l'autre, il faudra bien prendre des mesures pour faire face aux conséquences du vieillissement de la population. Chose certaine, nous commettrions une grave erreur en prenant prétexte du plus récent scénario de l'ISQ pour nous enfoncer la tête plus profondément dans le sable.