Il n'y a pas six mois que Calin Rovinescu est à la tête d'Air Canada que déjà on sent souffler un vent de renouveau. Pour la première fois depuis longtemps, on a l'impression que la haute direction de l'entreprise veut s'attaquer résolument au mécontentement de la clientèle, autrefois fidèle.

Il semble aussi qu'Air Canada croit - pour vrai, pas seulement pour flatter les Québécois - au potentiel de l'aéroport Trudeau. «Je veux que Montréal redevienne une plaque tournante pour Air Canada», a dit M. Rovinescu au cours d'une rencontre avec La Presse. Toronto restera toujours au coeur du réseau de la société. Toutefois, cela ne l'empêche plus de nourrir des ambitions pour la métropole québécoise. Déjà, de nouvelles liaisons ont été annoncées: Bruxelles, Barcelone, Athènes, Houston. Le vol Montréal-Genève, lancé au printemps, est déjà l'un des plus profitables du transporteur.

La tâche de relancer l'ancienne société de la Couronne sera colossale. Selon M. Rovinescu, la première phase, la «phase survie», est maintenant terminée. Des ententes ont été conclues avec les syndicats, du financement a été obtenu. Mais la structure de coûts reste trop lourde à porter. La récession a durement touché l'industrie. Et la concurrence sera plus féroce que jamais, particulièrement difficile à soutenir pour les compagnies les plus anciennes (legacy airlines), dont le personnel est syndiqué et plus âgé que celui de leurs compétiteurs.

L'équipe de M. Rovinescu ne peut pas changer ces legs du passé. Aussi le nouveau pdg veut-il s'attaquer à la culture de l'entreprise. «Il faut que les décisions soient prises plus rapidement, que les mentalités soient fondées sur le Just do it!, pour reprendre le slogan de Nike», explique-t-il.

Tous les clients d'Air Canada ont été témoins d'une situation où un problème survenu dans l'aérogare dégénère en chaos tandis que les employés attendent d'avoir, d'en haut, une quelconque directive. M. Rovinescu veut que, désormais, les gens sur le terrain prennent l'initiative.

Changer la culture d'une vieille entreprise de 25 000 employés ne sera pas facile. Mais, selon le patron, c'est le seul moyen de regagner la confiance des consommateurs. Les employés doivent comprendre, dit-il en substance, que personne ne doit rien à Air Canada. Si le service est moins bon qu'ailleurs, les Canadiens choisiront sans hésitation un autre transporteur.

La tarification à la carte, qui a suscité l'ire des clients et transformé les agents de bord en commis de dépanneur, sera en partie abandonnée. Le service Rapidair a été modernisé en s'inspirant des bonnes idées de Porter Airlines. Air Canada envisage de plus un retour à l'aéroport de l'île de Toronto.

Le succès du plan Rovinescu n'est évidemment pas assuré. Mais au moins, la volonté y est. Les Canadiens, eux, ne demandent pas mieux que de retrouver le plaisir de voler sur les ailes de leur compagnie aérienne nationale.