Chacun le sait, s'il est si difficile pour le gouvernement Harper de concevoir une politique audacieuse de lutte contre les changements climatiques, c'est que la principale industrie émettrice de gaz à effet de serre, celle du pétrole, est le fondement de l'économie des provinces de l'ouest du pays, base électorale des conservateurs. Bon nombre de Canadiens sont convaincus que si un autre parti était au pouvoir à Ottawa, il hésiterait moins à donner au pays des cibles ambitieuses de réduction des émissions de GES.

Une étude publiée jeudi par la Canada West Foundation, un think tank situé à Calgary, montre que les choses ne sont pas si simples. En effet, si l'industrie du pétrole et du gaz est évidemment cruciale pour les provinces de l'Ouest, elle est aussi très importante pour la prospérité du reste du pays, dont le Québec. «Si le secteur du pétrole et du gaz est contraint dans son développement par des politiques visant à réduire les émissions de GES, le pays entier va en souffrir», affirment les auteurs du document.

Il a souvent été souligné que si les provinces de l'Est, notamment le Québec, peuvent recevoir la plus grosse part des paiements de transfert fédéraux, c'est grâce à la richesse relative de l'Ontario et, de plus en plus, de l'Ouest. Mais il y a plus. Selon certaines estimations, l'industrie pétrolière des provinces de l'Ouest gonflera le PIB de l'Ontario de 144 milliards au cours des 25 prochaines années, celui du Québec de 45 milliards. Durant la même période, elle générera des emplois pour 2,1 millions de personnes-années en Ontario et 745 000 personnes-années au Québec. Cela sans compter les milliers de Canadiens de l'Est qui ont trouvé ou trouveront un emploi bien rémunéré dans les provinces productrices.

En somme, le pétrole et le gaz des provinces de l'Ouest contribuent à la prospérité de notre province comme de celle du reste du pays. Ainsi, ces précieuses ressources sont aussi les nôtres. Cela ne signifie pas qu'il faille ignorer l'impact écologique de leur exploitation; les coûts environnementaux du statu quo sont inacceptables. Mais cela veut dire que le problème concerne tous les Canadiens, pas seulement ceux de l'Ouest. C'est donc au gouvernement fédéral de prendre le leadership dans ce dossier, d'amener les différentes régions à la table, de forger des solutions acceptables pour tous.

À cet égard, la performance du gouvernement Harper a été lamentable. Plutôt que de jouer un rôle actif dans la recherche de compromis, il se tait. Plutôt que de chercher à convaincre, il agresse ceux qui osent le contredire. Une telle attitude ne peut qu'éloigner le pays d'une solution raisonnable; une solution qui permettrait de diminuer les impacts environnementaux de l'exploitation du pétrole et du gaz tout en préservant le plus possible la prospérité de l'Ouest, et donc celle du pays tout entier.

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