Au-delà de l'impact passager qu'aura la sortie de Lucien Bouchard sur la conjoncture politique, il est à souhaiter que les Québécois retiennent ce qu'il y a d'essentiel dans son propos.

La souveraineté est-elle réalisable? Dans l'avenir comme dans le passé, ce sera aux Québécois d'en décider. Toutefois, il est certain que la province doit faire face à court terme à des défis colossaux: finances publiques, éducation, productivité, santé, démographie. L'avenir du Québec français ne dépend pas d'un éventuel changement de statut politique, mais de sa capacité à régler ces problèmes. «Il faut se mettre à la tâche!», insiste M. Bouchard. Il a raison.

 

Les indépendantistes soutiennent que la souveraineté permettrait de mieux faire face à ces défis. Leur démonstration n'est pas convaincante. En quoi l'appartenance à la fédération canadienne est-elle responsable du gâchis de la dernière réforme pédagogique, décidée à Québec par des pédagogues québécois? En quoi l'indépendance nous permettrait-elle de corriger les ratés du système de santé, un réseau où le moindre sparadrap est géré par le gouvernement provincial? Les souverainistes répondent qu'un Québec indépendant récupérerait les milliards que lui chipe le fédéral. L'argument est d'autant moins crédible qu'Ottawa est en déficit de 56 milliards.

L'appel passionné de Lucien Bouchard s'adresse à la classe politique et aux citoyens du Québec. Il est urgent qu'un parti soit franc avec la population, identifie clairement les problèmes à régler et mette de l'avant des solutions sans cacher l'ampleur des sacrifices qui seront requis. Cette formation devra ensuite tenter d'obtenir un mandat fort afin de réaliser les changements nécessaires. À défaut, nous garderons la tête dans le sable... jusqu'à l'asphyxie.

Le deuxième volet des propos de M. Bouchard porte sur la laïcité et les accommodements raisonnables. Le Parti québécois, dit-il, occupe aujourd'hui la «niche du radicalisme» qui était celle de l'ADQ. Oublions l'aspect partisan de la question: l'ancien premier ministre nous rappelle que faire perdurer le débat sur l'identité, alors que rien de concret ne le justifie, comporte de graves risques. La nouvelle affaire des écoles juives, où on fait tout un plat pour un changement qui n'aura aucun effet sur la société dans son ensemble, illustre parfaitement ce «radicalisme».

Interrogé hier sur les propos de M. Bouchard, l'ancien ministre Guy Chevrette a déclaré: «Il faut arrêter de donner des bonbons à tous ceux qui arrivent ici.» Un bon exemple du discours populiste auquel on s'adonne beaucoup trop ces temps-ci. Les droits fondamentaux des minorités ne sont pas des «bonbons».

Lucien Bouchard a passionnément à coeur le progrès du Québec et la préservation de l'identité québécoise, personne ne peut en douter. Par conséquent, venant de lui, ces appels à la lucidité et à la modération devraient porter chacun à réfléchir.

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