Nous vous présentons le second de deux éditoriaux sur la politique canadienne en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le Parti conservateur avait promis de trouver une «solution fabriquée au Canada» au problème des émissions de gaz à effet de serre. Or, depuis son arrivée au pouvoir en 2006, cette position a graduellement glissé vers l'idée d'une «solution copiée sur celle des États-Unis». Compte tenu de l'évolution du dossier au sud de la frontière, cette voie risque de mener le Canada à adopter une politique beaucoup trop timide. De plus, elle nous fait gaspiller un temps précieux.

 

Le gouvernement du Canada doit prendre le taureau par les cornes. Il doit, sans attendre les États-Unis, sans attendre non plus une entente internationale qui tarde à venir, fixer au pays des objectifs ambitieux. Ces objectifs doivent être déterminés non pas pour plaire aux écologistes ou pour bien figurer au palmarès international des cibles. Ils doivent être vraiment «fabriqués au Canada», c'est-à-dire être les plus audacieux possible tout en tenant compte de la situation économique et politique des différentes régions.

Cela dit, les partisans d'objectifs hardis en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre doivent admettre la réalité économique et politique des provinces de l'Ouest, en particulier de l'Alberta. Ne pas le faire mènerait à une crise politique grave.

L'économie de l'Alberta et de la Saskatchewan repose en bonne partie sur les ressources naturelles, notamment le pétrole et le gaz. Le budget déposé la semaine dernière par le gouvernement albertain indique qu'un quart de ses revenus proviennent des ressources naturelles. D'ici deux ans, les royautés découlant de l'exploitation des sables bitumineux représenteront la moitié des revenus qu'Edmonton tire des ressources non renouvelables.

Dans un tel contexte, il est évident que toute politique fédérale agressive provoquerait une vive colère dans l'Ouest, colère dont les conséquences seraient imprévisibles. Il y a 30 ans, les Albertains ont vu leur économie ruinée par une politique conçue à Ottawa, pour l'Ontario et le Québec; ils ne se feront pas faire le coup une deuxième fois sans réagir.

Ce constat de la réalité politique ne doit pas mener le gouvernement du Canada à l'immobilisme. Au contraire, lui seul peut dénouer l'impasse et trouver des compromis acceptables aux différentes régions du pays.

De toutes les responsabilités d'un gouvernement national, le développement durable est de nos jours la principale. Le développement est le fondement de la prospérité et de la solidarité sociale; son caractère durable assure la pérennité de nos ressources naturelles. Si le gouvernement Harper ne veut pas ou est incapable d'assumer cette responsabilité, c'est qu'il ne mérite pas de gouverner le Canada.

apratte@lapresse.ca