Le bac vert est un engin génial. Il suffit d'y mettre un truc dont vous voulez vous débarrasser - un emballage, par exemple - pour qu'il change de nom et de statut. Ce n'est plus un déchet, mais une matière à valoriser. Des entreprises sont prêtes à payer très cher pour ces matériaux dont elles se servent pour fabriquer d'autres objets. N'est-ce pas merveilleux?

C'était il y a trois mois. Depuis, la valeur de ce que vous mettez dans votre bac s'est écrabouillée comme une bouteille d'eau en polyéthylène. Le carton et le papier mixte ont perdu plus de 90% de leur valeur. Le plastique qui sert à fabriquer les bouteilles d'eau aussi. Le plastique le plus payant, celui des bouteilles de shampoing et des bidons d'eau de javel, a chuté de plus de 80%. Certains matériaux, comme le papier mixte, ne trouvent même plus preneur. Les centres de tri doivent payer pour les entreposer. Une matière pour laquelle il n'y a pas de marché, ça commence à ressembler drôlement à un déchet. Même s'il est passé par le cycle «lavage de conscience» du bac vert.

 

L'effondrement de ce marché est une autre conséquence de l'essoufflement économique mondial. Le plastique a coulé avec le pétrole, la ferraille avec les matières premières. Les papetières nord-américaines, qui allaient déjà mal avant la crise, sabrent dans leurs achats. Les papetières chinoises, seules clientes pour notre papier mixte, ont carrément arrêté d'en importer. Les prix du verre et du métal sont aussi affectés par la baisse de demande locale.

Tout cela ne change rien pour les citoyens. La collecte sélective va continuer à se faire comme avant. Sauf qu'on devrait en profiter pour revoir notre relation avec le bac vert. Le recyclage est préférable à l'enfouissement, bien sûr. Sauf qu'il faut beaucoup d'énergie pour charrier et «valoriser» toutes ces matières. En avoir moins à traiter ne nuirait pas à l'environnement, au contraire. D'autant que plusieurs déchets non recyclables aboutissent encore dans le fameux bac - comme ces coques de plastique surdimensionnées qui servent à emprisonner les gadgets électroniques. Même les sacs de plastique, dont Québec vante le caractère recyclable, sont un casse-tête à traiter. Il faut prendre conscience des limites de la récupération, et du peu de valeur de certaines matières recyclables, pour réaliser l'importance de réduire la consommation de matériaux superflus à la source, en particulier le suremballage.

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Pour l'instant, les centres de tri serrent les dents et paient les frais de transport et d'entreposage en attendant que la demande reprenne. Mais si ça tarde trop, certains risquent de devoir demander de l'aide aux municipalités qui les paient pour effectuer la collecte sur leur territoire. Le cas de Montréal sera à surveiller. La métropole, contrairement à d'autres villes, ne verse pas un sou pour la collecte sélective. Son fournisseur, Rebuts solides canadiens, trouvera-t-il encore avantageux de ramasser gratuitement ces matières dépréciées? La Ville assure qu'il s'agit d'un contrat ferme et qu'il n'y a eu aucune discussion pour le modifier. Mais il faudra garder l'oeil ouvert.

 

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