Un chercheur en psychologie californien vient de reproduire la célèbre expérience de Milgram, dans laquelle un participant reçoit l'ordre d'infliger des décharges électriques à un autre sujet. Quarante-cinq ans plus tard, les résultats sont toujours aussi dérangeants: seule une minorité refuse d'obéir. Décidément, la nature humaine est parfois bien troublante.

La mise en scène imaginée par le chercheur américain Stanley Milgram en 1961 est un classique des manuels de psycho. L'expérimentateur demande à un participant de poser des questions à un autre sujet et, lorsque ce dernier donne une mauvaise réponse, de lui administrer une décharge électrique. L'intensité du courant augmente à chaque décharge. À 150 volts, le sujet-victime proteste violemment, se plaint de douleurs au coeur et exige qu'on le libère. Auriez-vous quand même appuyé sur le bouton? Dans les années 60, plus de 80% l'ont fait. Jerry Burger, de l'Université Santa Clara, a répété l'expérience en 2006: 70% ont obtempéré. Toutefois, la différence entre ces deux résultats n'est pas significative, prévient le chercheur dans le numéro de janvier de la revue American Psychologist. Autrement dit, les participants obéissent toujours aussi aveuglément aux ordres. C'est consternant.

 

L'extermination des Juifs par les nazis, les camps de travail des Khmers rouges, la prison irakienne d'Abou Ghraïb... Rien ne nous a été épargné au cours des dernières décennies. La mécanique de l'horreur tourne en boucle dans nos salons, analysée et expliquée dans ses moindres détails. Nous aurions dû en tirer des leçons. Hélas, ça ne semble pas être le cas. Devant un spécialiste en blouse blanche, l'individu perd tout sens critique.

L'expérience de Milgram, rappelons-le, est truquée. Il n'y a pas de décharges électriques. La «victime» est un complice qui simule la douleur. Le «bourreau», cependant, l'ignore. Il croit punir un autre participant choisi au hasard, comme lui. Ça ne l'empêche pas d'appuyer sur le bouton.

Cette docilité est d'autant plus étonnante que la pression était beaucoup moins grande dans l'expérience de 2006. Les chercheurs ont informé les participants à trois reprises qu'ils pourraient se retirer n'importe quand, et qu'ils recevraient quand même leur indemnité. Et ils ont arrêté à 150 volts, après les premiers cris de la «victime», alors que le test original allait jusqu'à 450 volts. Pourtant, ils ont été presque aussi nombreux à se soumettre aux ordres.

Le contexte explique beaucoup de choses, avance Jerry Burger. L'expérimentateur, qui est en situation d'autorité, assure qu'il prend l'entière responsabilité de la «victime». Et il est le seul point de référence. De fait, une seule catégorie de participants a eu tendance à refuser ses ordres aberrants: ceux qui ont une personnalité dominante, marquée par un désir de contrôler leur environnement.

On reproche souvent à notre culture d'encourager l'individualisme, le manque de discipline et d'esprit de groupe. Apparemment, c'est un trait de caractère qui gagnerait à s'exprimer davantage dans certaines circonstances.

 

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