L'avenir est à la gratuité, affirme l'essayiste et journaliste du magazine Wired Chris Anderson. «Si vous ne rendez pas votre produit accessible gratuitement, le piratage le fera à votre place», a-t-il déclaré la semaine dernière lors de l'événement South by Southwest (SXSW) à Austin, au Texas. Les groupes de musique, les chaînes de télé et les médias imprimés ont goûté à cette médecine, mais les effets bénéfiques se font attendre. Avant de proclamer la supériorité de la gratuité comme modèle d'affaires, il va falloir trouver des moyens de le rentabiliser en dehors des sentiers battus du web.

Le dernier essai de Chris Anderson, La longue traîne, sur l'énorme potentiel des stratégies de niche, avait fait couler beaucoup d'encre. Son prochain bouquin, Free, dont la publication est annoncée pour juin, devrait aussi faire pas mal de vagues. Y a-t-il vraiment de l'argent à faire en donnant son contenu? À SXSW, Anderson parlait à des convertis puisqu'il était invité dans le cadre du volet techno. Des entreprises qui ont réussi à percer en offrant gratuitement leurs applications ou leurs jeux vidéo sur internet, il y en a plus qu'on peut en compter. Le modèle est-il applicable aux secteurs plus traditionnels? Ça reste à démontrer. Un nouveau venu peut s'en inspirer pour se tailler une place - les quotidiens Métro n'auraient jamais pu s'implanter dans les grandes villes s'ils n'avaient pas été gratuits. Mais les acteurs établis vont devoir se montrer plus créatifs.

 

La gratuité est comme un virus: à partir du moment où vos contenus peuvent circuler sur internet, vous avez peu de chances d'y échapper. Et si votre secteur est touché, vous n'arrivez pas à vous en débarrasser - l'industrie de la musique a tout essayé. La seule façon de survivre, c'est de trouver des moyens de composer avec cette nouvelle réalité.

Et pour cela, il faut regarder au-delà de la gratuité, qui n'est souvent qu'apparente. Si l'usager a accès à un service sans frais, ce n'est pas parce qu'il ne coûte rien, mais parce que le fournisseur réussit à refiler la note à quelqu'un d'autre. Et pas seulement à des publicitaires en quête d'espace. Google, par exemple, n'a pas besoin de transformer son moteur de recherche en pizza clignotante. Il se finance autrement, notamment en vendant des applications aux entreprises.

L'été dernier, les lecteurs du Daily Mail ont reçu le nouveau disque de Prince gratuitement. Qui avait payé la note? Le quotidien britannique, qui a acheté une licence pour chaque CD, et l'artiste lui-même, qui a consenti un rabais substantiel sur ses droits.

Qui et comment faire payer pour le contenu? La question était la même il y a 20 ans, mais la réponse (les utilisateurs et les annonceurs) était tellement évidente qu'on ne la posait pas. Sauf qu'aujourd'hui, cette réponse ne suffit plus. Il faut en trouver d'autres.

Selon Chris Anderson, les contenus numériques ont un coût marginal minime, car ils ne coûtent pratiquement rien à distribuer. Il suffirait, dit-il, de 5% d'utilisateurs payants pour être en mesure de les offrir gratuitement aux autres. Le modèle est-il valable pour la musique ou l'information? Pour quelle valeur ajoutée les consommateurs seraient-ils prêts à payer? Et quelle proportion d'entre eux devrait le faire pour que le modèle soit rentable? Si ces réponses ne sont pas satisfaisantes, il faudra en trouver d'autres. Car le problème de la gratuité n'est pas près de disparaître.

akrol@lapresse.ca

 

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