Santé Canada envisage d'autoriser les fabricants à ajouter des vitamines et des minéraux à une foule d'aliments, y compris ceux qu'on peut qualifier de malbouffes. Une très mauvaise idée. Ottawa doit rectifier le tir.

C'est le Journal de l'Association médicale canadienne (CMAJ) qui a lâché cette petite bombe cette semaine. Le projet de règlement aurait dû apparaître dans la Gazette du Canada le 31 mars dernier, mais la ministre de la Santé l'a retiré à la dernière minute, rapporte la publication médicale. Santé Canada n'a pas voulu nous confirmer, ni démentir, ces affirmations.

 

De fait, le ministère a déjà évoqué la possibilité d'enrichir des aliments qui présentent une faible valeur nutritive ou qui contiennent des quantités importantes d'ingrédients associés à des risques pour la santé (sodium, gras saturés et trans, alcool, etc.). Mais cette politique publiée en 2005 proposait aussi d'autres scénarios qui interdisaient d'enrichir ces catégories d'aliments. L'article du CMAJ, qui cite des sources anonymes chez Santé Canada, est inquiétant. Ottawa semble prête à faire passer les besoins de l'industrie avant ceux de la population.

Protéger la santé des Canadiens est notre priorité, nous dit-on au ministère. Effectivement, on a prévu des normes très strictes pour éviter l'absorption excessive de vitamines et de minéraux. Mais pourquoi se limiter à un rôle de protection? Quand on s'appelle Santé Canada, la santé devrait toujours passer avant n'importe quelle autre considération. Or, l'enrichissement facultatif ne répond pas à des besoins de santé publique.

«Les bienfaits de l'enrichissement facultatif à l'échelle de la population seraient vraisemblablement mineurs», souligne d'ailleurs le ministère dans sa politique. Certains individus peuvent présenter des carences. Mais ceux qui ont le plus intérêt à ce que les aliments puissent être enrichis, ce sont les fabricants. Car c'est un excellent moyen de se démarquer de la concurrence et de gagner des parts de marché.

Il est peu probable que l'ajout de vitamines et de minéraux à des croustilles ou des boissons gazeuses en fasse augmenter la consommation. Mais le message ainsi transmis serait pour le moins contradictoire. Comment Santé Canada pourrait-elle à la fois essayer de convaincre les citoyens de manger plus de fruits et de légumes et moins de gras, de sucre et de sel, et permettre à des aliments qui vont à l'encontre de ces messages de se doter d'une plus-value santé?

L'industrie dénonce la réglementation actuelle, jugée désuète, qui empêche l'entrée de produits disponibles ailleurs et freine le développement de nouveaux aliments ici. En effet, ça fait 11 ans que Santé Canada a entrepris de réviser sa réglementation. Il est grand temps qu'elle livre sa nouvelle mouture. Il est tout à fait possible d'élargir l'éventail des aliments qui peuvent être enrichis sans pour autant permettre des situations absurdes où les vitamines et les minéraux servent à faire oublier la pauvreté nutritionnelle de certains produits.

akrol@lapresse.ca

 

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