Musique, logiciels, encyclopédie, dictionnaires, articles de journaux et de magazines, réservations de voyages, annonces classées...On a tendance à l'oublier, mais la quantité de biens et services disponibles sans frais sur internet a progressé de façon spectaculaire au cours des 15 dernières années. Même en excluant les contenus piratés, il y en a pour des milliards de dollars. Une aubaine pour les utilisateurs et une formidable occasion d'affaires pour les entreprises qui réussissent à capitaliser sur cette tendance. Mais pour toutes les autres qui voient leur rentabilité s'éroder au contact de cette gratuité, c'est un défi colossal.

Le rédacteur en chef du magazine Wired, Chris Anderson, vient de publier un essai détaillé sur le phénomène, intitulé Free. Les entreprises établies qui cherchent leur place dans cette nouvelle réalité risquent toutefois de rester sur leur faim. Free dresse un état des lieux très complet, mais fournit bien peu d'indications sur la route à suivre. La gratuité comme stratégie n'a rien de nouveau. Qu'il prenne la forme d'un échantillon de parfum ou d'un cellulaire, l'objet gratuit finit souvent par être facturé à ce même consommateur qui croyait l'avoir obtenu pour rien. Et si ce n'est pas son argent qu'on lui soutire, c'est son temps libre - les minutes en attendant que le match de hockey continue par exemple.

Ce qui est nouveau, ce sont les possibilités qu'offrent la numérisation et l'internet. De nouveaux venus ont ainsi réussi ce qui était autrefois impensable: ravir une part de marché avec des produits et services gratuits -un prix difficile à battre pour les concurrents établis. Certains services gratuits, comme Wikipédia, sont réellement désintéressés, mais ce modèle collaboratif est loin d'être la norme.

Une grande partie des entreprises et individus qui offrent une production de calibre professionnel à titre gracieux espèrent bien tirer profit de l'aventure un jour. La musique aide les artistes à se faire connaître ou, si c'est déjà fait, à remplir leurs salles de concert. Les blogues amènent de la visibilité et de la crédibilité, des revenus publicitaires, des contrats de livres, de nouveaux clients. Des jeux vidéo en ligne proposent des options qui rehaussent l'expérience de base. Le fournisseur finance la gratuité dans l'espoir se reprendre ailleurs.

Plusieurs, dont Facebook, Twitter et YouTube, cherchent encore comment. Bien sûr, il y a aussi des réussites éclatantes. In Rainbows, l'album de Radiohead pour lequel les acheteurs payaient ce qu'ils voulaient, est devenu le plus grand succès commercial du groupe. Après avoir donné L'Alchimiste et des traductions d'ouvrages plus récents en version électronique, Paul Coelho a battu des records de vente en librairie.

Des exemples du genre, Free en recense plusieurs. Mais ce sont souvent des cas uniques, difficilement transférables. La majorité des créateurs et des fournisseurs de contenu cherchent encore un nouveau modèle d'affaires. Et en attendant, ils paient le prix de cette gratuité qui leur est imposée. La suite de Free reste à écrire.

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