Le nouveau président de la Caisse de dépôt et placement du Québec a une vision très claire de la direction qu'il veut imprimer à cette institution. Reste que c'est sur l'exécution et les résultats qu'il sera jugé.

Michael Sabia est un homme systématique qui décline toutes ses réponses en volets numérotés. Il a énoncé lui-même dans nos pages les cinq principes constituant les fondations de la Caisse qu'il veut bâtir. Nous ne les répéterons pas ici. L'entrevue éditoriale qu'il a donnée à La Presse hier nous permet toutefois d'approfondir certains d'entre eux.

 

Premier signe encourageant: le recentrage de la Caisse sur ses compétences. Le marché boursier canadien, l'immobilier classique, les placements privés, les marchés obligataires, oui. Mais des produits financiers immobiliers complexes comme les fameuses CDO (titres garantis par des créances)? On repassera. Il faut une certaine humilité pour reconnaître ses limites, et l'humilité n'a jamais été un trait dominant dans la culture de la Caisse. Félicitons Michael Sabia d'avoir su lui imposer cette orientation.

Autre point fort: un souci de la stratégie à long terme. Battre les rendements annuels de l'Ontarienne Teachers' ne fait apparemment plus partie des priorités. Comment investir en Chine, en Inde et au Brésil pour profiter de leur croissance en 2015 ou en 2019, par contre, est au coeur des préoccupations actuelles.

À la traditionnelle question piège sur la double mission de la Caisse, le nouveau président assure qu'il n'est pas nécessaire de choisir. Il est possible de faire des investissements rentables pour les déposants tout en contribuant au développement économique du Québec, dit-il. La réponse est habile, mais si une grande entreprise québécoise menace d'être achetée par des étrangers, elle ne suffira pas. Inévitablement, la Caisse sera appelée à la rescousse. Souhaitons que le patron tienne son bout et ne consente pas d'investissement qui, sous couvert de protéger les intérêts locaux, compromettrait les rendements. Ne pas choisir entre les deux missions, c'est aussi ne pas en sacrifier l'une à l'autre.

La Caisse amorce un virage important qui implique un changement de culture en profondeur. Michael Sabia ne veut pas seulement regagner la confiance du public et des déposants. Il veut que son institution financière soit reconnue comme l'une des meilleures au monde. Pour ça, il faudra au moins deux à trois ans, prévient-il. Les Québécois sont-ils prêts à l'attendre?

Même si les résultats financiers qu'elle publie dans quelques semaines sont inférieurs à ceux de ses rivales, la Caisse aura sans doute droit à une année de grâce. Personne ne peut nier que 2009 a été une période d'ajustement et de transition. Mais trois ans? Le public voudra voir des progrès dès l'an prochain. Il n'est pas interdit de faire encore mieux l'année suivante, mais il faut commencer quelque part. Et rapidement.

akrol@lapresse.ca

 

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