Malgré la barrière de la langue, le grand patron de Toyota s'en est plutôt bien tiré à Washington hier. Cependant, il faudra bien davantage pour rassurer les consommateurs américains.

Le constructeur japonais a beau dire qu'il vend des autos américaines - ses véhicules sont assemblés aux États-Unis avec une majorité de pièces fabriquées sur place - il était drôlement déconnecté de sa filiale nord-américaine.

 

Ils ont de bons professionnels aux États-Unis, mais les décisions se prennent au Japon, a témoigné le secrétaire au Transport, Ray LaHood, devant la même commission du Congrès. Pour que Toyota réalise enfin la gravité de la situation et l'urgence d'intervenir, il a fallu que l'agence américaine responsable de la sécurité routière (NHTSA) envoie ses spécialistes à Tokyo. Et encore: le grand patron Akio Toyoda était au courant de cette réunion, mais il ignore ce qui s'y est dit! Nommé à la tête de la société l'été dernier, le petit-fils du fondateur affirme ne pas avoir été mis au courant des problèmes d'accélérateur avant la fin de l'année.

L'information n'a pas été partagée correctement, a reconnu le patron de la filiale nord-américaine, Yoshimi Inaba. Bel euphémisme. Les dirigeants de Toyota jouent peut-être les innocents pour se protéger. Mais s'ils disent vrai, c'est encore plus alarmant. Même si les problèmes détectés en Europe et au Japon se sont manifestés sur des véhicules différents, la filiale nord-américaine aurait dû s'en inquiéter bien plus tôt.

Lorsqu'on lui a demandé pourquoi son entreprise a autant tardé à tenir compte des plaintes, M. Toyoda, qui est lui-même pilote d'essai, a parlé de la difficulté de reproduire ces problèmes pour en détecter l'origine. Une logique d'ingénieur qui paraît bien insuffisante en rétrospective. Plus de huit millions de véhicules font désormais l'objet d'un rappel dans le monde. Même le gouvernement japonais a commencé à s'inquiéter des cas d'accélération indésirable signalés sur son territoire.

Visiblement, la méthode Toyota a de sérieuses lacunes. Akio Toyoda a beau s'excuser copieusement et promettre de faire amende honorable, sa filiale américaine n'est pas à veille de remonter la pente.

La NHTSA examine maintenant de possibles défectuosités électroniques dans les systèmes de freinage. Un grand jury new-yorkais vient d'ouvrir une enquête qui pourrait mener à des accusations criminelles. L'autorité des marchés financiers, la SEC, mène aussi sa propre enquête. Les poursuites de victimes alléguées se multiplient.

Toyota aura beau prendre des mesures extraordinaires pour regagner la confiance des consommateurs, les manchettes négatives risquent de saper une bonne partie de ses efforts durant plusieurs mois encore.

 

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