On savait que les urgences montréalaises en avaient plein les bras. On apprend maintenant que leur trop-plein déborde parfois jusque dans la salle de réanimation, au point d'en paralyser le fonctionnement. Qu'est-ce que ce sera la prochaine fois?

«C'est comme si on avait demandé au personnel de l'urgence de travailler dans un garde-robe», écrit le coroner dans un rapport accablant dévoilé par notre collègue Ariane Lacoursière.

 

Le soir du 25 mai 2009, la salle de réanimation de l'hôpital du Sacré-Coeur était tellement bondée que médecin et infirmières avaient du mal à s'approcher de la patiente qu'ils tentaient de sauver. Le manque d'espace les a carrément empêchés d'installer des intraveineuses.

On ne saura jamais si la vie de cette dame de 64 ans, malade chronique et arrivée dans un état très grave, aurait pu être sauvée. Un point, toutefois, ne fait pas de doute. Si la victime de ce cafouillage avait été un ado ou une mère de jeunes enfants au lieu d'une personne âgée sans famille immédiate, l'histoire aurait fait autrement plus de bruit.

On ne devrait pourtant pas tourner la page trop vite. N'importe quel patient aurait pu être à la place de cette dame ce soir-là. L'encombrement de la salle de chocs aurait-il rendu sa réanimation impossible? Le coroner ne répond pas à cette question, mais notre système de santé doit se la poser. Sinon, la situation risque fort de se répéter.

Les urgences de Sacré-Coeur sont parmi les plus sollicitées de la province. Mais rien n'indique qu'elles soient négligées. Rénovée à grands frais il y a deux ans, sa salle de réanimation n'a rien d'exigu, surtout comparée à celle d'autres hôpitaux montréalais. Un comité interne suit son fonctionnement de près et l'établissement a fait de gros efforts de recrutement. Pourtant, les urgences sont devenues encombrées au point qu'il faille littéralement stationner des patients dans la salle de réanimation. C'est très inquiétant.

Les solutions pour désencombrer les urgences sont connues. Leur application, toutefois, est bien timide. Le ministre Bolduc a promis, vendredi dernier, de trouver rapidement 100 places de longue durée pour libérer des lits d'hôpitaux. Pourquoi a-t-on attendu son intervention pour poser un geste aussi évident, qui devrait faire partie de la gestion quotidienne de l'agence de santé de Montréal? C'est aberrant.

Le neveu de la patiente morte à Sacré-Coeur signale d'autres faits troublants. Si un médecin de famille avait accepté de suivre sa tante, son pied aurait probablement pu être soigné bien avant que la gangrène n'en force l'amputation. La rupture des soins à domicile dans les semaines précédant son décès n'a pas aidé non plus.

Bref, si cette première ligne qu'on nous vante depuis des années avait été au rendez-vous, cette dame serait sans doute arrivée dans un état moins grave aux urgences. Elle n'aurait peut-être même pas eu besoin d'y aller. Nos gestionnaires de la santé devraient en prendre note, même si ça ne figure pas dans le rapport du coroner.

 

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