Au rythme où le plan de relance économique est dilué au Congrès, on peut se demander si le président Barack Obama y reconnaîtra ses mesures lorsqu'il sera adopté dans sa forme finale. La montagne est en voie d'accoucher d'une souris.

De haute lutte, le Sénat américain s'est entendu, en principe, sur un projet révisé, non sans l'avoir au préalable tronqué de dizaines de milliards destinés à l'éducation. À force de protester, les républicains sont parvenus à faire augmenter substantiellement la part accordée à des réductions d'impôt, improductives, au détriment des projets d'infrastructures, beaucoup plus efficaces dans un contexte de récession.

Hélas, le président Obama, qui ronge son frein, n'est pas au bout de ses peines.

Après le vote du Sénat, les deux chambres du Congrès doivent fusionner leurs versions du projet. L'adoption des deux plans s'est déjà avérée lancinante et pénible. Imaginez comment la patience de M. Obama sera mise à l'épreuve dans les prochains jours, lui qui, avec raison, cherche à mettre son programme sur les rails le plus rapidement possible. Le temps presse - 3,6 millions d'emplois se sont évaporés aux États-Unis - mais cela ne semble en rien atténuer les joutes partisanes dans les coulisses du Capitole.

En recherchant un compromis qui puisse satisfaire les sénateurs républicains, le président a non seulement perdu un temps précieux, mais il leur a surtout donné la chance de miner l'efficacité même de son plan de relance.

En tendant la main à la faction modérée du Grand Old Party, il a fait un geste noble, conforme à sa promesse de rechercher des solutions non partisanes. Mais il faut être deux pour danser le tango. Or, il est clair que les républicains veulent faire échouer le plan Obama. Ils répugnent à l'idée de collaborer à un New Deal.

Autre source d'inquiétude pour la Maison-Blanche, l'appui du public au plan de redressement s'étiole et ne rallie plus que 56% des Américains.

Si on se fie au consensus des économistes, ces 800 milliards seront largement insuffisants pour renverser la vapeur, même s'il s'agit de l'effort gouvernemental le plus gigantesque de l'histoire américaine. Au mieux, ces investissements amortiront la chute, déjà brutale, à la condition que les mesures soient bien ciblées, ce qui est de moins en moins sûr. C'est dire jusqu'à quel point l'économie américaine se rapproche du gouffre.

Le Prix Nobel de l'économie Paul Krugman a dit il y a quelques jours que le piège de la déflation n'a jamais autant menacé de s'installer à demeure depuis la Grande Dépression. Et une fois coincé dans la spirale déflationniste, il est très ardu d'en ressortir. Le Japon a mis 10 ans pour s'en extirper dans les années 90, et il le doit au boom économique américain qui est venu à sa rescousse et lui a insufflé un nouvel élan.

Mais cette fois-ci, qui serait en mesure de dépanner les États-Unis, dont la crise financière et immobilière a justement contaminé le reste du globe?

jbeaupre@lapresse.ca