Voici le deuxième de trois éditoriaux sur l'approche que devrait adopter le gouvernement Charest dans son budget du 19 mars.

Une dette colossale, une chute rapide du bassin de travailleurs qui versent des impôts, des coûts astronomiques en soins de santé. Le Québec se dirige tout droit vers un cul-de-sac budgétaire, amplifié par la récession. Au bout, il y a un mur, qui fragilisera notre niveau de vie pendant plusieurs années. Nous sommes sur le point de le percuter.

 

Fini le pelletage en avant. La situation est si périlleuse qu'il faudrait bien se résigner, dès maintenant, à remettre en question nos vaches sacrées.

Les garderies à 7$. Le gouvernement Charest a promis de ne pas y toucher. Ça ne signifie pas que ce soit une sage décision. Indispensable pour encourager la natalité, le programme des places subventionnées en garderie est devenu insoutenable. C'est irréaliste d'exiger seulement 7$ par jour, alors qu'il en coûte environ 35$ par enfant. La syndicalisation des travailleuses en milieu familial ajoutera des centaines de millions à un programme qui exige déjà des dépenses de 1,7 milliard. Ne devrait-on pas augmenter, indexer et moduler la contribution parentale en fonction des revenus des ménages?

Les tarifs d'électricité. Les Québécois paient leur électricité passablement moins cher que dans le reste du continent nord-américain. Malheureusement, cela encourage le gaspillage d'énergie. En augmentant graduellement les prix, tout en demeurant en deçà des tarifs imposés ailleurs, nous serions davantage sensibilisés à l'économiser. Et ainsi, des surplus seraient dégagés pour l'exportation: ces revenus, récoltés à un prix supérieur à ce que les Québécois défraient, reviendraient dans leurs poches par le biais des dividendes versés par Hydro-Québec au gouvernement.

Les prestations de rentes. Les baby-boomers, les plus âgés particulièrement, ont été choyés: emplois nombreux et bien rémunérés, sécurité mur à mur, fonds de retraite généreux, accès gratuit aux soins de santé. Mais leurs gouvernements ont négligé de les faire contribuer suffisamment au paiement de la dette. Vieillissants, ils nécessiteront plus de dépenses en santé que le reste de la population. Par souci d'équité, les retraités les plus aisés pourraient-ils retourner l'ascenseur aux générations plus jeunes? Par exemple, en acceptant des prestations de rentes plus faibles lorsque leurs revenus excèdent 50 000$? Et ainsi, réduire le fardeau annuel de 9,2 milliards?

Le soutien à l'agriculture. Les subventions aux producteurs agricoles se chiffrent à plus de 800 millions par année aux deux paliers de gouvernement. De plus, même si ça ne coûte pas un sou à l'État, sa gestion de l'offre dans l'industrie du lait, des oeufs et de la volaille augmente la facture d'épicerie de 300$ par année en moyenne pour chaque famille québécoise, selon une étude de l'Institut économique de Montréal. Malgré ce support gouvernemental, nos agriculteurs peinent à joindre les deux bouts. Ne devrait-on pas plutôt favoriser la libre concurrence, qui encourage l'innovation?

Le sacrifice de ces vaches sacrées provoquerait des débats orageux. Les Québécois tiennent ces avantages pour acquis. Le gouvernement Charest serait confronté à de puissants lobbys et devrait convaincre la population de l'urgence d'une telle remise en question. En aura-t-il le courage? Et les Québécois, eux?

jbeaupre@lapresse.ca