En cette fin de règne de l'administration Bush, les États-Unis pourraient devenir la plus grande république socialiste de la planète! C'est du moins ainsi que le sénateur républicain du Kentucky, Jim Bunning, voit les choses - et ce n'est pas totalement flyé Pour d'autres, l'affaire est plus sinistre encore: en vertu d'un régime inédit de capitalisme d'État, les puissants s'apprêtent à donner aux riches l'argent des faibles et des pauvres. Hier, ceux-ci ont d'ailleurs manifesté dans une vingtaine de villes des États-Unis contre le plan de sauvetage du système financier négocié entre le Congrès et la Maison-Blanche.

Ce plan, on le sait, pomperait 700 milliards$US d'argent public (2330$ par citoyen) vers les grandes institutions bancaires, dans l'espoir de juguler une crise qui se répercute dans le monde entier.

Et le fait est qu'on peut examiner ce plan sous divers angles.

D'une part, on parle bel et bien de la plus importante intervention étatique dans l'économie américaine depuis la Grande dépression du début des années 30. Et, ô paradoxe, c'est une administration républicaine d'obédience libérale et isolationniste qui mettrait ainsi Wall Street sous perfusion et peut-être sous tutelle. Et ce, après avoir déclenché une intervention inutile en Irak (laquelle coûte 1 milliard par jour); imposé une plus grande présence de l'État «sécuritaire» dans la vie privée; nagé dans les déficits budgétaires; augmenté la dette publique éventuellement à hauteur de 11 300 milliards, une somme relevant davantage de l'astrophysique que de la comptabilité!

Après tout cela et même s'ils sont en colère, 78% des citoyens américains acceptent, résignés, la nécessité de l'intervention gouvernementale (sondage USA Today/ Gallup publié hier). Mais 56% d'entre eux la veulent assortie de dures mesures de contrôle imposées aux institutions financières.

On peut y voir une touchante naïveté ou un admirable souci du bien commun, au choix.

Cependant, il se pourrait que la naïveté joue peu dans le jugement que porteront ces mêmes citoyens sur les dernières 48 heures de la campagne présidentielle, perturbée par la crise financière.

Après ses effets de toge de mercredi (suspension de sa campagne et menace d'ajournement du débat prévu pour ce soir), John McCain pourrait en effet apparaître comme impulsif, erratique, cynique et poseur. Hier soir, après la rencontre historique des deux candidats à la présidence avec George W. Bush et les leaders du Congrès, Barack Obama a à l'inverse donné l'image d'un homme prudent, perspicace, dévoué et posé.

Pour paraphraser la fameuse pub clintonienne, il ne suffit pas de savoir qui répondra au téléphone à trois heures du matin, mais aussi ce que cette personne aura à dire dans l'appareil. À ce point de vue, la crise financière qui a sonné au milieu de la campagne électorale aura aussi été un test pour les candidats républicain et démocrate.

Or, ce test, John McCain semble bien l'avoir échoué.

mroy@lapresse.ca