Il y a exactement sept ans, aujourd'hui, débutait l'opération militaire occidentale en Afghanistan. Les talibans furent vite mis en déroute. Mais, sept ans plus tard, le brigadier Mark Carleton-Smith prévient: les troupes occidentales ne gagneront pas cette guerre. L'officier commande l'appareil militaire britannique surtout déployé dans la province voisine de Kandahar, où combattent les Canadiens.

Ici, au pays, la déclaration a été mal reçue par le gouvernement Harper qui, comme l'administration américaine, espère une victoire militaire en Afghanistan.

 

Mais la position de Carleton-Smith (assortie d'une prédiction: il faudra négocier avec les talibans) semble largement partagée au sein de l'OTAN et du gouvernement d'Hamid Karzaï. Au Canada, John Manley, qui a déposé le rapport de son groupe de travail sur l'Afghanistan, au début de 2008, estime lui aussi la négociation inévitable. C'est à cette conclusion qu'on en venait, il y a un an, ici même dans cette colonne.

S'il n'y avait pas eu l'obsession irakienne de George Bush; si l'OTAN avait mis en Afghanistan toutes ses ressources; s'il n'y avait pas eu tant de démagogie populiste autour de cette intervention; si l'Occident était encore capable de quoi que ce soit; si...

Mais voilà: ce n'est pas ainsi.

À ce jour en 2008, presque quatre fois plus de soldats de la coalition ont été tués en Afghanistan que pendant toute l'année 2002. En 2007, 2600 attentats à l'explosif ont été commis, 100 fois plus qu'en 2002. Cette année, 30 travailleurs humanitaires ont été tués et 90 autres enlevés. Les pertes civiles ont doublé entre 2006 et 2007. La progression territoriale du pouvoir taliban est logarithmique, comme la culture du pavot. La frontière pakistanaise demeure une passoire à djihadistes étrangers. Et les Afghans, qui ne croient plus en une mission de sauvetage bâclée, semblent se replier sur ce qui a toujours assuré leur survie: tradition, religion, tribalisme, méfiance vis-à-vis de l'Occident, soumission aux puissants.

Devant cela, que ça plaise ou non, ce sont les États-Unis qui décideront d'une éventuelle nouvelle stratégie en Afghanistan. Les deux aspirants à la Maison-Blanche, John McCain et Barack Obama, promettent une sorte de «surge» à l'irakienne.

Mais l'Afghanistan n'est pas l'Irak. L'économie, les infrastructures, l'éducation, la religiosité, le sens de l'État, l'ouverture au monde, le statut de la femme... tout cela est complètement différent. Et on n'y changera rien avec 12 000 soldats, 24 hélicoptères et 36 chars d'assaut supplémentaires.

Revenons à la case départ.

Il s'agissait à l'origine d'une opération de légitime défense consistant à priver définitivement le terrorisme islamiste de la base arrière qui a produit le 11 septembre 2001. Or, cela peut probablement se négocier. Comme peut sans doute se négocier la présence à long terme sur le territoire afghan de forces de sécurité, d'équipes de reconstruction, d'organisations humanitaires. Le reste appartiendra aux Afghans.

Ce sera, au choix, une demi-victoire ou un demi-échec. Peut-être le mieux qu'on puisse faire en la circonstance.

mroy@lapresse.ca