La Commission canadienne des droits de la personne a rejeté une plainte, déposée en vertu de l'article 13 sur la propagande haineuse, contre un imam montréalais. Il signe L'Islam ou l'intégrisme, disponible sur internet, exposant sa vision des «mécréants» en général; des homosexuels, lesbiennes, juifs, femmes non musulmanes, enfants non musulmans et féministes en particulier.

L'affaire a été rendue publique par le quotidien Le Devoir. Le texte de 357 pages est en ligne depuis plusieurs mois, mais n'a pas suscité la réprobation des groupes féministes, ou de défense des homosexuels, des lesbiennes, des enfants, des juifs.

Le plaignant, Marc Lebuis, est éditeur d'un site web, Point de bascule, consacré à l'examen de ce qu'il estime être les dérives de l'islamisme. L'imam est Abou Hammaad Sulaiman Dameus al-Hayiti, dont il est difficile de jauger la crédibilité, que nous présumons faible, auprès des musulmans. Quant à la CCDP, elle a entendu dans le passé quelques causes qui ont fait du bruit; l'une d'elles visait un obscur suprémaciste blanc du Canada anglais tenant sur internet un discours haineux - en fait, plutôt pathétique et risible - sur les immigrants et les minorités raciales.

Dans ce cas-ci, la CCDP explique que les écrits de l'imam ne visent pas de «groupes identifiables» ni ne font preuve de «haine» ou de «mépris», au sens où la Cour suprême du Canada entend ces termes.

Ainsi adossée au plus haut tribunal du pays, la Commission canadienne des droits de la personne a certainement raison.

Pas de groupes identifiables ni de haine ni de mépris, donc, lorsque l'imam parle des homosexuels et des lesbiennes, appelant Allah pour qu'il «les maudisse et les anéantisse dans cette vie et dans l'autre» (page 181). Ou des juifs qui «ne recherchent que les intérêts matériaux et l'argent, à part cela ils n'ont rien» (page 284). Ou des «femmes mécréantes qui ont été séduites par le discours enfantin, naïf et simpliste du féminisme» (page 161). Ou des «enfants des mécréants qui sont les enfants les plus pervers qui soient» (page 156).

Il est difficile de prendre connaissance de cette prose sans pouffer de rire - exactement comme dans le cas du suprémaciste blanc. Seulement, on se demande de quel oeil la CCDP l'aurait lue si elle avait été signée John Smith ou Joseph Tremblay...

Il y a trois semaines à peine, le rapport Moon (du nom d'un professeur de droit de l'Université de Windsor) recommandait précisément d'abroger l'article 13. C'est une dangereuse arme de «censure», jugeait Richard Moon, susceptible de justifier «une intervention extraordinaire de la part de l'État, ce qui compromettrait sérieusement la volonté de la société de protéger la liberté d'expression». Faut-il maintenant ajouter: une arme dont la puissance de feu varie selon la tête du client?

Nous n'osons le croire. Mais, le cas échéant, cela aussi plaiderait fortement en faveur du désarmement.