Comme cela devait presque fatalement se produire, les forces terrestres de l'armée israélienne sont entrées dans Gaza en une nouvelle phase plus périlleuse et potentiellement plus meurtrière de l'offensive entreprise d'abord par la voie des airs le 27 décembre. En fin de soirée, hier, l'étroite bande de terre longeant la Méditerranée était littéralement coupée en deux; on signalait 70 morts du côté palestinien et une victime chez les militaires israéliens.

En sens inverse, les tirs de roquettes vers le sud du territoire hébreu se sont tout de même poursuivis au cours de la journée -au moins 32, selon les observateurs.

Devant cette escalade, la «rue» (l'arabe, mais beaucoup d'autres aussi) ainsi que les officines diplomatiques ont haussé le ton pour condamner Israël, ou à tout le moins lui conseiller la «modération».

Si tout cela a des airs de déjà vu, ce n'est évidemment pas un hasard.

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Dans tout l'acharnement désespéré qui semble être devenu la composante essentielle de cet interminable conflit, il faut une solide dose d'optimisme pour entrevoir une solution, même à long terme. Qui a dit que le conflit israélo-palestinien pouvait à la limite être «géré», mais guère résolu? ...

Car on le voit encore: qu'est-ce qui fait réagir la «rue» et la diplomatie? Uniquement l'événement ponctuel -en général le coup de force épisodique décrété par l'état-major israélien, qui alors, il est vrai, ne fait pas dans la dentelle.

Mais à long terme, justement?

Il est fastidieux d'avoir à le répéter, mais ni l'une ni l'autre partie ne vaincra par les armes.

L'État israélien possède la légitimité que donne la démocratie. Il mise sur une formidable puissance de feu conventionnelle (et nucléaire, à supposer que cela ait quelque importance). Il compte sur l'appui presque inconditionnel de Washington... jusqu'à nouvel ordre.

D'autre part, et dans une perspective historique, les factions militantes palestiniennes ont pour elles le poids de la géographie, qui fait en sorte que le territoire hébreu demeure un minuscule îlot ancré dans une mer hostile qui, pour une large part, ne reconnaît pas même son droit d'exister. Elles ont l'avantage du nombre, y compris celui des «martyrs» potentiels, dont il n'y a jamais pénurie. Elles cultivent l'espoir de la démographie: dès 2040, les Juifs pourraient être minoritaires sur le territoire même d'Israël.

Et surtout, surtout, la cause palestinienne a depuis longtemps remporté haut la main la guerre des relations publiques, qui est peut-être la plus importante: au sein de l'«opinion éclairée» occidentale, en effet, ce conflit est le seul qui existe -alors qu'on meurt ailleurs, dans un silence assourdissant, par dizaines de milliers! Et le procès est entendu: on sait qui est la victime et qui est le bourreau...

Peut-on appeler encore une fois à la paix, fût-elle partielle et temporaire, si on ne réalise pas d'abord que tout le monde est victime de ce monument élevé à l'absurdité?

mroy@lapresse.ca