George W. Bush demeure président des États-Unis d'Amérique pour encore 12 jours. Celui qui lui succédera alors, Barack Obama, l'a rappelé, ajoutant cependant que, une fois installé dans le bureau ovale, il engagera des «actions immédiates» en rapport avec le conflit israélo-palestinien en général, et l'actuelle crise dans la bande de Gaza en particulier.

Car il s'agit de l'un des plus terrifiants héritages, notamment en raison de ses répercussions dans le monde musulman, que le 43e président léguera au 44e, le 20 janvier prochain: une situation presque désespérée sur la rive Est de la Méditerranée. Une situation rendue telle par une myriade de facteurs dont l'Amérique de Bush n'est pas entièrement responsable, loin de là ; mais que cette Amérique-là a néanmoins contribué à laisser pourrir.

Elle l'a fait en s'éloignant d'une position de médiatrice relativement neutre qui, pendant des décennies, avait été l'objectif visé, sinon toujours atteint, de sa politique dans ce dossier.

Surtout, par sa parfaite indifférence à la façon dont les choses évoluaient dans cette poudrière, Bush a manifesté ici le trait de caractère qui a laissé sa plus forte empreinte sur les États-Unis et sur le monde: un total mépris pour le réel, pour le pragmatisme et pour l'efficacité. Le tout étant compensé, si l'on peut dire, par une adhésion quasi mystique à un corpus idéologique primaire.

À ce point de vue et à d'autres, comme nous l'avons déjà noté dans cette colonne (mais il convient de le répéter) : George W. Bush aura été le plus antiaméricain des présidents américains.

Depuis quelques semaines, aux États-Unis, on tente de déterminer si le «numéro 43» passera à l'Histoire comme le pire locataire qu'ait abrité la Maison-Blanche.

Par exemple, James Buchanan (numéro 15, 1857-1861), jugé responsable de la guerre de Sécession et véritable paria de l'histoire américaine, a-t-il été plus maléfique? Et Lyndon B. Johnson? Et Richard Nixon? On spécule.

Mais la population des États-Unis, elle, se prononce - sans parler des peuples des autres nations, comme nous le verrons, demain.

À hauteur de 79%, les Américains jurent qu'ils ne regretteront pas Bush (sondage NBC/Wall Street Journal). En toute injustice, ils oublieront même les rares initiatives positives à inscrire au bilan. Des rapports dynamiques avec l'Inde et la Chine. Une aide considérable à la lutte au sida en Afrique. Des réformes importantes en éducation et, à plus petite échelle, en santé. Une sécurité intérieure impeccable après le 11 septembre 2001.

Peut-on blâmer les Américains pour leur regard noir?

Le massacre de New York et Washington lui-même se serait-il produit si Bush n'avait pas négligé les avertissements des services secrets? (Calmez-vous, les conspiracy buffs : pas besoin de complot, la négligence a suffi.) Le désastre de l'ouragan Katrina s'effacera-t-il un jour de la mémoire collective? La crise économique actuelle serait-elle aussi dévastatrice si l'administration fédérale avait, au fil des ans, géré Wall Street avec moins de foi aveugle et plus de sens pratique? Les finances publiques (un déficit historique de 1200 milliards, a-t-on appris, hier!) en seraient-elles là si Bush n'avait pas embarqué l'Amérique dans la mère de toutes les folies: l'aventure irakienne?

Au total, les années Bush sont des années perdues. Perdues pour les citoyens du monde. Perdues pour les Américains eux-mêmes, qui sont probablement les pires victimes du président qu'à deux reprises, ils ont élu.