Les 1300 jeunes filles fréquentant l'école Mirwais Nika de Kandahar, en Afghanistan, ont pour la plupart trouvé le courage de retourner en classes. Quelques-unes sont défigurées ou ont la vue endommagée : parce qu'elles fréquentaient l'école, leur visage a été aspergé d'acide par des hommes à moto, le 12 novembre dernier. Leur sécurité n'est pas assurée : deux mois avant l'attentat à l'acide, Malalai Kakar, qui était pourtant capitaine de police (et responsable de la section des crimes contre les femmes à Kandahar), a été abattue, comme au bon vieux temps des talibans.

Dans la Vallée de Swat, au Pakistan, les écoles sont désertes depuis plusieurs semaines et on ne sait pas si elles vont reprendre leurs activités en ce début de février. À la fin de 2008, les 120 000 écolières et étudiantes de la région ont été prévenues par la radio du mollah Maulana Fazlullah qu'elles seraient tuées si elles se rendaient en classes. Entre 150 et 250 institutions scolaires des 1580 officiellement recensées ont été dynamitées ou incendiées. Et la charia est largement réinstaurée dans cette région jadis surnommée la «Suisse pakistanaise».

En Irak, le nombre d'attentats-suicide perpétrés par des femmes est passé en un an de huit à 32. Les candidates sont apparemment recrutées chez les victimes de viol, que l'on persuade de «racheter leur honneur» en perpétrant un assassinat de masse - quitte à les violer d'abord si ce n'était déjà fait.

Le 28 octobre dernier, une adolescente de 13 ans a été lapidée à Kismayo, en Somalie, après qu'elle eut été jugée coupable d'adultère en vertu du droit coranique. En fait, elle avait été violée par trois hommes alors qu'elle prenait la route pour se rendre à Mogadiscio afin de rendre visite à sa grand-mère.

Mais, au fond, l'affaire est presque banale: selon l'ONU, plus de 5000 femmes et jeunes filles sont tuées chaque année (surtout au Pakistan, en Égypte, en Turquie et en Jordanie) pour avoir eu des relations sexuelles «illicites» ou avoir simplement parlé avec un homme.

Débarque tout juste en librairie Moi Nojoud, 10 ans, divorcée, le récit de vie d'une fillette yéménite, Nojoud Ali, mariée de force à un homme de 20 ans son aîné, violée et battue. Elle a trouvé le courage de se rendre au tribunal, seule, pour demander le divorce. Elle l'a obtenu - ce n'est évidemment pas le cas de la plupart de celles qui connaissent ce sort. Ce phénomène parfois assez proche de la traite esclavagiste (les terribles images des dernières minutes du film Osama, du cinéaste afghan Siddiq Barmak, reviennent infailliblement en mémoire) est de plus en plus observable en Occident même.

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Comme on le dit toujours ici lorsqu'il est question, par exemple, des luttes contre la publicité sexiste ou pour l'équité salariale : il reste à la cause des femmes encore beaucoup de chemin à parcourir. Pourquoi, alors, préfère-t-on détourner les yeux du tronçon le plus difficile de ce chemin ?

Pourquoi, au juste ?