On sent le ton caractéristique de Vladimir Poutine, maintenant premier ministre, dans la sortie du président russe Dmitri Medvedev, hier. Il a en effet parlé d'un réarmement «à grande échelle» de l'appareil militaire de son pays à partir de 2011. Cela est rendu nécessaire, estime-t-il, par cette sorte d'encerclement que pratique l'OTAN autour de la nation dominante de l'ex-URSS.

Une nouvelle guerre froide, donc, comme on est si prompt à le redouter? Pas de panique. Ça n'a rien à voir. La Russie n'en a tout simplement pas les moyens.

 

Malgré des dépenses militaires multipliées par deux depuis 2004 (pour atteindre un peu moins de 50 milliards$US, ce qui ne représente tout de même pas le dixième du budget américain!), la Russie d'aujourd'hui ne dispose plus ne serait-ce que d'une fraction de la puissance de feu effective de l'ancienne métropole impériale. Et l'économie russe, dépendante des ressources naturelles (pétrole, gaz), en outre empêtrée dans de kafkaïennes difficultés intérieures avec les oligarques, ne permettra pas dans un avenir prévisible de nourrir une bête militaire qui deviendrait trop vorace.

Au surplus, les forces armées russes sont déjà engagées dans une difficile restructuration de leur personnel, dont le nombre va diminuer (de 1,13 à 1 million de soldats), mais qui deviendra graduellement une armée «professionnelle» comme dans la plupart des pays développés, c'est-à-dire de moins en moins redevable des conscrits. Cela crée des remous dans l'état-major, que la sortie du président avait sûrement pour objectif collatéral d'apaiser.

En fait, après les leçons très pratico-pratiques tirées de la guerre-éclair de 2008 en Géorgie, ce que Medvedev (Poutine?) tient à faire comprendre, c'est que la Russie entend se donner les moyens logistiques pour préserver le dernier pré carré de sa zone d'influence héritée de l'ère soviétique. Une zone éventuellement élargie à quelques parcelles de terre économiquement «sensibles», comme l'ont récemment signalé les vols récents de chasseurs russes à la frontière du Nord canadien...

La Russie marque son territoire, en somme.

D'ailleurs, pour accréditer la thèse d'un scénario de nouvelle guerre froide, il faudrait un de ses éléments constituants: l'affrontement des idéologies. Ce que, par bonheur, on ne retrouve plus qu'au musée. Et, par chance encore, le même pragmatisme prévaut dorénavant à la Maison-Blanche après les derniers mois de l'ère Bush, confite dans l'idéologie, qui ont vu se détériorer les relations entre Moscou et Washington.

La lettre conciliante envoyée il y a deux semaines par Barack Obama à son vis-à-vis russe en témoigne.

De l'éventuelle expansion de l'OTAN (concernant au premier chef l'Ukraine et la Géorgie) à l'avenir du bouclier antimissile, en passant par le problème du nucléaire iranien et celui plus global du désarmement stratégique, le contexte dans lequel les relations bilatérales sont désormais envisagées est celui, bassement terre-à-terre, de la négociation pied par pied.

C'est parfaitement gérable. Et on peut estimer qu'il n'y a pas là de menace à proprement parler.