Par des procédés à mi-chemin entre la mise en scène des fameux procès de Moscou, instruits sous Staline, et le cérémonial de l'autocritique à la chinoise mis au point sous Mao, Téhéran durcit encore sa réaction aux événements de juin.

Hier, un cadre des Gardiens de la révolution, le bras armé fondamentaliste du régime, ainsi qu'un officier militaire ont réclamé la mise en accusation de l'ancien président réformiste Mohammad Khatami ainsi que de deux candidats de l'opposition à la présidentielle du 12 juin, dont Mir Hossein Moussavi.

 

Cette menace vient après la comparution de plus d'une centaine d'opposants au régime, eux-mêmes suivis par une demi-douzaine d'employés d'ambassades étrangères. Ceux-ci ont grosso modo été accusés, samedi, d'avoir participé à un complot destiné à lancer une «révolution de velours» contre le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, et le président réélu, Mahmoud Ahmadinejad.

Ainsi soupçonnée d'espionnage au bénéfice de l'ambassade de France, une universitaire de 24 ans, Clotilde Reiss, a «avoué» et demandé «pardon au pays, au peuple et au tribunal d'Iran». D'autres accusés se sont ainsi «confessés», dont un employé iranien de l'ambassade britannique et, il y a dix jours, le journaliste canadien d'origine iranienne Maziar Bahari.

Au même moment, le procureur général iranien a admis que des actes de torture et de mauvais traitement ont été commis contre des citoyens arrêtés lors des manifestations postélectorales de juin; des détenus sont morts. Cette admission a une portée considérable dans un pays où la torture pratiquée sous le shah n'avait pas compté pour peu dans la destitution de celui-ci, en 1979.

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Tout ce spectacle son et lumière a eu notamment pour effet de noyer dans le bruit ambiant l'intronisation officielle, mais fort contestée, d'Ahmadinejad à la présidence pour un deuxième mandat.

Cependant, peut-on parler d'une incontestable démonstration de force de la part d'un pouvoir qui aurait repris son équilibre?

Hier, la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, a fort justement décrit (à CNN) cette stratégie comme une «démonstration de faiblesse» de la part d'un «régime qui craint sa propre population». De fait, à l'intention de celle-ci et du monde, le réflexe de Téhéran est de rejeter la faute sur un complot de l'étranger. Une conspiration à laquelle auraient participé la Grande-Bretagne, la France ainsi que les deux Satan - les États-Unis et Israël, bien sûr. Mais aussi des mercenaires, pour ainsi dire: Youtube, Facebook et Twitter... lesquels, de par leur nature même, ont entretenu la communication entre la «rue» iranienne et l'étranger.

Or, cette théorie étatique du complot se révélera peut-être encore plus destructrice que le reste. En quelques jours, elle a réussi à braquer l'Union européenne. Et Hillary Clinton affirme n'avoir plus d'illusions (la «porte ouverte» par les États-Unis à l'Iran doit se refermer fin septembre).

Bref, c'est comme si le régime des mollahs, ébranlé, était dorénavant occupé à tricoter un rideau de fer autour du pays.