Les Allemands de l'Ouest n'ont-ils pas raison d'éprouver une... «ouestalgie» au souvenir du passé? Les Allemands de l'Est, eux, ont bien l'«ostalgie» à la pensée de tout le bonheur qui était autrefois le leur derrière le rideau de fer - et au surplus, pour les Berlinois, derrière un mur. Celui qui est tombé, il y a 20 ans.

Alors, pourquoi pas une «ouestalgie»?

«Une majorité d'Allemands de l'Ouest estiment que l'on vivait mieux avant 1989», confirme (dans Le Monde) Klaus Schroeder, spécialiste de l'ex-RDA à l'Université libre de Berlin. De fait, les citoyens de l'Ouest supportent de plus en plus mal les soupirs que poussent leurs compatriotes de l'Est. Nous avons été carrément annexés, se plaignent en effet les Ossies, sans obtenir ni l'égalité ni le respect: le chômage demeure plus élevé et les salaires inférieurs à l'Est.

 

Or, quel péché ont commis les Allemands de l'Ouest?

Ils ont porté le poids d'une réunification qui les a appauvris. À l'ouverture de la vaste prison communiste, ils ont hérité d'une contrée dévastée, d'installations industrielles bonnes à jeter, d'une pollution inimaginable à l'Ouest, d'une culture politique de déni et de terreur. Ils ont à ce jour fourgué 2000 milliards US... et le compteur tourne toujours. Ils ont élu une chancelière originaire de l'Est, alors que les Ossies l'ont moins appuyée qu'eux...

Et on leur fait aujourd'hui des reproches? On serait «ouestalgique» à moins!

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Cependant, ils auraient tort de le «prendre personnel», comme on dit. En réalité, c'est ce bon vieux procès du capitalisme qui se poursuit, en prenant cette fois les Ossies à témoins.

Un sondage (BBC/GlobeScan) réalisé dans 27 pays et mis en ligne, hier, indique que seulement 54% des gens estiment que la disparition de l'URSS fut un événement positif! Moins de 11% des citoyens jugent que le capitalisme fonctionne bien. Et 20% des Canadiens voudraient adopter un autre système (on ne précise pas lequel).

Bien sûr, la crise économique actuelle est une terrible pièce à conviction dans ce procès.

Il est rigoureusement exact, en effet, qu'aucun État communiste n'a jamais été victime d'une telle crise. Ce qui s'en rapproche le plus fut sans doute la famine (provoquée, c'est vrai, mais pas par le capital) des années 1931-1933 en URSS. Or, même cette crisette-là ne jeta personne hors de sa demeure, comme on le voit aujourd'hui aux États-Unis; elle ne restreignit pas le crédit ouvert aux humbles prolétaires, comme Wall Street le fait froidement; elle ne priva personne de son job, comme en est coupable General Motors.

Elle se contenta de faire 8 millions de morts.