En mars 2007, l'Action démocratique du Québec a fait élire 41 députés en récoltant le tiers des voix. On a vu les réactions. L'ADQ «exploite le même filon de l'intolérance que le Front national en France». «Les réacs ont la cote.» Un «lot de valeurs xénophobes, homophobes et démagogues». Enfin, la plus succincte et accablante condamnation: «Montée de la droite!»

Car ce seul mot, la «droite», se suffit à lui-même. Il est à ce point péjoratif, si clairement identifié au Mal (avec une majuscule), qu'il est inutile d'y ajouter quoi que ce soit si le but est de pourfendre ou insulter.

Ce déchaînement d'animosité, presque unanime à en croire les médias, était évidemment une sorte de déni démocratique. Il a servi à enfermer dans le cachot de la honte ce pauvre peuple qui, à hauteur de 33%, n'avait pas «voté du bon bord». Il a servi à condamner ces «citoyens mis à l'écart parce qu'ils ne sont pas de gauche, ou parce qu'ils ne font pas semblant de l'être» (Être de droite: un tabou français, Éric Brunet).

Mais il s'agissait d'autre chose aussi, soulevant plus d'inquiétude à long terme. À savoir qu'un parti de droite ne peut pas avoir de légitimité intellectuelle et médiatique au Québec. Même s'il est populaire. Même s'il ne s'écarte que d'un malheureux millimètre de la zone du centre à partir de laquelle tous les partis gouvernent. Car on sait que la droite québécoise est, selon les critères européens ou américains, extraordinairement modérée. Elle n'est ni religieuse ni morale; en économie, elle reste middle of the road, comme disent les Slovaques.

C'est d'autant plus remarquable que s'excentrer, même de façon assez considérable, est fort bien vu à gauche. Québec Solidaire, dont le statut intellectuel et médiatique est enviable, est là pour le prouver.

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Depuis ce temps, avec le déclin (rapide) et la chute (pathétique) de l'empire adéquiste, l'infirmité politique de la droite s'est montrée sous un autre jour, encore plus accablant.

On dirait qu'au Québec, les partis situés de ce côté-là de l'échiquier politique finissent invariablement par s'autodétruire. Souvenons-nous de l'agonie de l'Union nationale, triste et interminable. Ou de toutes les déclinaisons du créditisme, qui auront au moins eu le mérite de nous divertir pendant des décennies!

S'inscrivant plus ou moins dans cette continuité, c'est aujourd'hui le nouveau chef adéquiste, Gérard Deltell, qui, pour employer l'image devenue iconique, a les deux mains sur un volant... privé de roues, de carrosserie, de banquettes et de moteur.

Il serait étonnant que ce véhicule, qu'on rafistolera vraisemblablement avec de la broche, parvienne à renverser l'histoire de la droite québécoise.