Après le 11 septembre 2001, on disait à propos de tout et de rien: «Les terroristes auront gagné si...» Si, par exemple, nous renonçons à prendre l'avion. Ou si nous renonçons à nos espaces de liberté. Or, le fait est que, graduellement, nous renonçons bel et bien à beaucoup de choses. Et à des espaces de liberté.

Après le «shoe bomber» qui sévissait en décembre 2001, voilà qu'un... «pants bomber» réussit à son tour, même s'il a été aussi maladroit que le premier, à saboter l'industrie du transport aérien.

Depuis qu'un jeune et riche Nigérian converti à l'islam radical a voulu faire sauter 289 personnes, à Noël, prendre l'avion est en effet devenu une expérience encore plus infernale. Hier, aux aéroports de Toronto et de Montréal, des vols en direction des États-Unis étaient annulés et les fouilles à l'embarquement causaient des retards cauchemardesques; à bord des appareils, on réglemente dorénavant l'usage des couvertures, des oreillers, des couloirs et des toilettes...

Pense-t-on vraiment que c'est de cette façon - par des règlements sur les oreillers! - qu'on arrivera à long terme à quelque chose ? Ce sont les êtres humains qui prennent la décision de tuer, ne l'oublions pas.

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Or, il semble que, pour diverses raisons, il ne soit parfois tenu aucun compte des informations que les autorités possèdent sur des êtres humains convertis à la terreur.

C'était une des constatations faites après le massacre du 11 septembre : plusieurs des 19 hommes impliqués avaient semé une multitude d'indices lourds de sens. Mais ceux-ci n'avaient pas franchi le barrage de l'indifférence, de la bureaucratie, du morcellement des services secrets.

Dans les semaines précédant le 5 novembre, personne en haut lieu n'avait réagi aux signaux alarmants lancés (et très clairement perçus autour de lui) par le major Nidal Malik Hassan, psychiatre militaire. Sur la base de Fort Hood, au Texas, celui-ci devait finalement tuer 13 personnes. Pourquoi l'a-t-on laissé faire?

De la même façon, le «pants bomber», Umar Farouk AbdulMutallab, avait attiré l'attention avant la nuit de Noël. Le nom du jeune homme, dénoncé par son père inquiet de sa dérive, «éduqué» à Londres, aperçu au Yémen, reconnu par Al-Qaeda, figurait sur une liste de suspects (la TIDE) qui n'a visiblement pas servi.

Bref, c'est comme si on n'avait rien appris de rien.

La force de frappe occidentale demeure concentrée en Irak et en Afghanistan, alors que c'est au Pakistan, au Yémen et en certains points du continent africain qu'il faut traquer les hommes qui frapperont demain.

En toute connaissance, en toute quiétude, en toute impunité et en toute tolérance, Londres continue à être La Mecque, pour ainsi dire, de l'islam radical en Occident.

On fonde encore et toujours le pari sécuritaire sur le matériel (de nouveaux détecteurs dans les aéroports, par exemple), alors que c'est le renseignement, le facteur humain, qu'il faut soigner. Le président Barack Obama en a pris note, hier, en demandant notamment un réexamen des différentes listes de suspects.

Mais ça semble du déjà-vu. Ça semble bien peu. Ça semble bien tard.