L'affaire n'est pas une exclusivité québécoise. Ni une millième tempête dans un millième verre d'eau. À peu près partout en Occident et chez la plupart des gens, en effet, le voile islamique intégral - burqa ou niqab - provoque la méfiance, parfois même l'hostilité. Et pour nombre d'États pluralistes, ouverts, modernes, il représente la patate chaude avec laquelle les administrateurs publics se brûlent les doigts.

Pourquoi ?

À cause de l'intolérance congénitale et transfrontalière des Occidentaux - explication qui équivaudrait à mettre en accusation toute une civilisation? Ou parce que le voile intégral n'est pas - répétons: n'est pas- un vêtement comme un autre?

La réponse est évidente.

D'abord, c'est un trait culturel et une tradition, en Occident, de ne pas se couvrir entièrement le visage en public, sauf en cas de festivité ou de perpétration d'un acte criminel. Auquel cas le masque provoque d'instinct, soit le sourire et la bonne humeur, soit l'opprobre et la peur. En outre, un visage caché envoie instantanément un signal interprété par tous comme un refus de «faire société».

Viennent ensuite les messages spécifiques de la version islamique de la chose. Des messages davantage associés à la revendication politique qu'à la piété religieuse et porteurs d'une conception antédiluvienne des relations entre les sexes. Dans le cas de celle qu'on appelle Naema, le message transmis est parvenu à être sexiste à la fois à l'endroit des femmes et à l'endroit des hommes.

Après cela, l'étudiante d'origine égyptienne (dont on ne sait rien, sinon qu'elle est déterminée, intelligente, éloquente) a poursuivi son odyssée comme si elle était conseillée par une grande firme de relations publiques. Elle a plaidé le choix personnel de porter le niqab, un vêtement comparable à «une robe, une jupe ou un pantalon». Elle a évité toute référence politique et presque toute allusion religieuse. Elle a endossé la défroque de victime de la société.

Ce dernier point est le plus important: est en effet déclarée intouchable toute victime, fut-elle autoproclamée.

Ça a marché.

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Il ne semble pas y avoir de limites à la quantité et à l'excentricité des tests auxquels on soumet, de bonne foi ou non, la tolérance des sociétés occidentales en général, de la québécoise en particulier.

Or, on le verra encore, cette tolérance est extraordinairement grande.

Nous nous interdirons d'interdire le voile islamique intégral dans l'espace public. Nous consacrerons de monstrueuses quantités d'énergie et de ressources à bricoler une petite restriction ici, un léger accommodement là. Nous codifierons scrupuleusement les parties du visage à laisser à découvert - les yeux? le nez? la bouche? - selon les lieux et circonstances.

On va bien s'amuser...

Plus tard, nous verrons si tout cela conduit à vivre dans une plus grande harmonie. Ou à devoir affronter une batterie de tests de plus en plus exigeants, voire intimidants.