Si Montréal était un patient hospitalisé, on pourrait lui poser le diagnostic suivant: le coeur bat, mais le pouls est parfois irrégulier.

C'est ce qui ressort du bilan de santé de la région métropolitaine rendu public hier par la Fondation du Grand Montréal.

Même si le rapport ratisse large - il y est question de logement, d'éducation, de culture... - il réussit tout de même à mettre le doigt là où ça fait mal. Et un des points sensibles de Montréal est, sans contredit, la situation de ses enfants.

On évalue qu'à Montréal seulement, environ 33 000 enfants auraient recours aux banques alimentaires chaque mois. Pour que le portrait soit complet, il faut ajouter à ces difficiles conditions économiques de graves problèmes socioaffectifs qui hypothèquent lourdement leurs chances de réussite scolaire.

Une étude publiée l'hiver dernier par la Direction de la santé publique évaluait à environ 5000 le nombre d'enfants montréalais qui n'avaient pas la maturité émotive et intellectuelle nécessaire pour commencer la maternelle.

Bien que le bilan de Montréal soit meilleur que celui de Vancouver et de Toronto, il se situe en deçà de la norme canadienne. Cinq endroits dans la ville sont particulièrement à risques dont Mercier-Est-Anjou, Montréal-Nord et Parc-Extension. C'est là qu'on retrouve le plus grand nombre d'enfants vulnérables.

Comment les aider? En commençant par améliorer l'accès et la qualité des garderies. Car c'est durant la petite enfance que se joue l'avenir scolaire des enfants défavorisés.

En effet, une autre étude, publiée l'été dernier par la chercheuse Christa Japel, une experte du développement de l'enfance au Québec, démontre clairement que les enfants doivent bénéficier d'un soutien psychosocial AVANT leur entrée à l'école. Sans aide, ils sont destinés à l'échec et au décrochage. Or parmi les facteurs qui pourraient changer la donne, il y a l'accès aux services de garde. L'étude de Mme Japel montre bien que les enfants issus des milieux défavorisés sont, malheureusement, ceux qui fréquentent le moins les garderies alors qu'ils devraient s'y trouver en priorité. Mme Japel souligne que jusqu'ici, les mesures mises en place (places à temps partiel et ententes avec les CLSC) n'ont pas donné les résultats escomptés. Encore trop d'enfants démunis n'ont pas accès à ces places si convoitées.

Visiblement, les efforts du gouvernement, dans la foulée du plan d'action contre la pauvreté, n'ont pas été suffisants. Québec doit donc réitérer sa volonté d'améliorer le niveau de qualité des services de garde en investissant davantage. Peut-être faudra-t-il aussi envisager, dans un avenir prochain, une augmentation des frais facturés aux parents. À quoi bon se péter les bretelles avec nos fameuses garderies à 7$ par jour s'il en coûte des milliers de dollars par la suite pour payer les pots cassés pendant la petite enfance?

Le bilan de la Fondation du Grand Montréal ne doit pas être reçu à la légère. Bien sûr, personne n'est assez naïf pour croire qu'on réussira à éradiquer la pauvreté dans la métropole. Par contre, il n'est pas vain de croire qu'en redoublant d'efforts, on pourrait améliorer de façon significative la situation des enfants défavorisés avec une aide mieux ciblée. Le problème, avec les enfants, c'est qu'ils sont trop petits pour prendre la parole. Et que, contrairement aux artistes, aux fromagers et aux investisseurs, il n'y a pas beaucoup de gens qui se portent à leur défense.

nathalie.collard@lapresse.ca