En 1990, des centaines de femmes se réunissaient à l'UQAM pour souligner les 50 ans du droit de vote des Québécoises. L'événement était interdit aux hommes sous prétexte que les femmes préféraient se retrouver entre elles, que la présence des gars, potentiellement intimidante, les empêcherait de prendre la parole et d'exprimer leurs idées. Incompréhensible pour les plus jeunes, cette décision était justifiable du point de vue des femmes alors âgées dans la cinquantaine. Contrairement à leurs cadettes, elles n'avaient pas grandi dans un environnement mixte.

Contre toute attente, l'histoire s'est répétée le week-end dernier lors d'un rassemblement pancanadien réunissant des jeunes féministes de partout au pays.

L'entrée de l'UQAM pour cet événement était encore une fois réservée aux femmes.

Est-ce à dire que rien n'a changé depuis 20 ans?

Le rassemblement Toujours rebelles a attiré environ 500 féministes âgées de 14 à 35 ans. Des filles issues d'une génération qui a grandi avec les garçons depuis la garderie, et qui est donc habituée à prendre la parole en leur présence.

Il est donc étonnant - et décevant - de constater que ces jeunes femmes ne se sont pas senties assez sûres d'elles pour discuter des droits des femmes devant n'importe quel auditoire, mixte ou pas.

En 2008, les femmes sont rendues tellement plus loin.

Ce n'est pas la seule surprise de ce colloque. À entendre les porte-parole qui se sont exprimées publiquement à l'issue des trois jours d'activités, et à consulter le programme de la fin de semaine, on a la désagréable impression que la situation des femmes au Canada n'a pas beaucoup évolué au cours des dernières années. Elles parlent encore de patriarcat, de discrimination au quotidien, et affirment que l'égalité entre hommes et femmes n'existe que sur papier...

Ce constat est non seulement étonnant, il est faux.

Quand on regarde la situation actuelle, on ne peut que constater à quel point les femmes ont fait des avancées. Elles sont présentes dans beaucoup plus de champ d'activités, autant à l'université que dans le milieu du travail. Elles s'expriment librement, sont autonomes et partagent leur vie avec des hommes qui, eux aussi, ont fait un bon bout de chemin depuis les années 60. Comment l'ignorer?

Comment passer sous silence, en outre, que le projet de loi qui comportait des risques de recriminaliser l'avortement au Canada a été vivement dénoncé partout au pays et ce, autant par des hommes que par des femmes?

Bien sûr, tout n'est pas parfait. Les femmes sont sous-représentées en politique, elles sont encore moins bien payées que leurs collègues masculins dans certains emplois et sont, en nombre, plus pauvres et plus vulnérables que les hommes.

En outre, elles doivent encore se battre contre des stéréotypes sexistes et un phénomène d'hypersexualisation qui n'aide pas à la construction de l'estime de soi des jeunes filles. Soit.

Mais ces batailles, elles les mènent avec beaucoup plus d'assurance qu'avant, dans un environnement qui leur est plus favorable qu'il y a 20, 30 ou 50 ans. Ne pas le reconnaître, tenir le même discours qu'il y a 30 ans, s'est s'enfermer dans une bulle passéiste complètement déconnectée de la réalité. Les femmes n'ont pas besoin de ça.

nathalie.collard@lapresse.ca